Valérie PÉCRESSE
Synthèse de la couverture de la SNBC par le programme
Valérie Pécresse affiche l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En se positionnant contre une “écologie punitive”, le programme privilégie les mesures incitatives plutôt que des mesures réglementaires et fiscales et s’appuie davantage sur les initiatives et investissements privés que sur les dépenses publiques pour financer les projets relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le programme couvre une majorité des secteurs de la SNBC mais souvent de façon partielle.
Par ailleurs, le manque de précision sur les modalités de mise en œuvre et l’absence de gouvernance interroge sur la capacité de ce programme à atteindre l’ambition de la candidate.
Le programme comporte plusieurs axes cohérents avec la SNBC en matière de décarbonation :
- La candidate propose une stratégie énergétique s’appuyant sur la relance du nucléaire comme énergie à développer sur le long terme, sur le développement des énergies renouvelables et sur l’innovation dans de nouvelles technologies comme l’hydrogène vert.
- La décarbonation de tous les moyens de transport est prévue en 2040, avec un accompagnement à l’électrification des usages ainsi que pour l’aviation le recours aux biocarburants et à l’hydrogène, technologie dont l’éventuelle maturité prendra plus d’une décennie.
- Pour le logement, il est proposé de doubler le rythme actuel des rénovations.
- Une meilleure maîtrise de notre empreinte carbone est prévue via l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union Européenne et la généralisation des clauses carbone dans tous les contrats publics et privés. A noter que cette mesure nécessitera un accord au niveau de l’Union Européenne et apparaît donc, à ce stade, incertaine.
- La mobilisation de l’épargne pour financer des projets bas carbone à hauteur de 120 milliards d’euros est proposée.
- L’innovation est le moteur principal activé pour les évolutions des pratiques agricoles.
Cependant, le programme comporte des angles morts au regard de la SNBC :
- La politique agricole n’aborde pas le changement des pratiques agricoles nécessaire à la préservation des sols, à la réduction des émissions, à la baisse de la consommation de produits carnés.
- Les mesures dans le secteur de l’industrie ne couvrent pas l’amélioration de l’efficacité énergétique, la sobriété des usages, et la décarbonation des filières les plus émettrices de GES (sidérurgie, chimie et production de matériaux de construction).
- De nombreux aspects liés à l’emploi sont éludés tant au niveau des impacts en volume et en compétences de la transformation de l’économie que de l’adaptation de l’appareil de formation initiale.
A l’opposé, le programme comporte des mesures allant à l’encontre de la SNBC :
- L’un des objectifs revendiqués de la décarbonation de la production d’énergie est de garantir un prix de l’électricité faible induisant un risque d’effet rebond (accroissement de la consommation) antagoniste avec les orientations de la SNBC.
- La suppression du plafond de 40 km pour les indemnités kilométriques entre le domicile et le travail n’incitent pas à la réduction de l’usage des véhicules particuliers.
- La réduction de normes dans de nombreux secteurs et l’assouplissement des règles de non artificialisation des sols pourraient avoir des effets négatifs sur les émissions et la captation du CO2.
Les mesures d’accompagnement, tant au niveau financier que normatif, sont davantage favorables au développement d’activité des entreprises qu’à l’accompagnement des citoyens dans leur transition écologique. C’est le cas, par exemple, du développement de la filière de production des modes de transports électriques sur le territoire sans que les modalités d’accompagnement à cette transformation soient précisées.
Le programme s’appuie sur des innovations dans des technologies qui demeurent au stade du développement à ce jour (hydrogène “vert”) et en stimulant la recherche fondamentale et appliquée. De plus, il ne fait aucune référence aux problématiques d’efficacité énergétique et de sobriété qui sont des piliers majeurs de la SNBC.
En ce qui concerne l’horizon temporel, il est précis pour les mesures liées aux transports mais demeure particulièrement vague pour les autres secteurs.
Malgré une couverture d’une majorité de secteurs de la SNBC, le programme est très en retrait, avec assez peu de mesures permettant la décarbonation, l’efficacité énergétique et la sobriété des usages. Sans stratégie claire présentée, la capacité pour la candidate d’atteindre son objectif de neutralité carbone interroge.
Focus par secteurs et mesures phares
Orientations transversales
Gouvernance et mise en œuvre
Gouvernance et mise en œuvre
Rappel des orientations de la SNBC
- Assurer la cohérence de l’ensemble des politiques publiques nationales avec la stratégie nationale bas-carbone
- Développer des modalités de gouvernance facilitant la mise en œuvre territoriale de l’objectif de neutralité carbone
- Développer une offre de données permettant la comparaison des trajectoires de transition territoriales avec la trajectoire nationale
Valérie Pécresse souhaite “mobiliser tous les leviers de l’économie française et de l’action des pouvoirs publics pour retrouver la trajectoire permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050”. Toutefois aucune mesure concrète ne vient étayer cet objectif.
Ainsi, aucune mention n’est faite de l’évaluation des politiques publiques. De même, le programme n’offre pas d’indications sur l’implication des territoires, échelle d’action pourtant plébiscitée par la SNBC.
Empreinte-Carbone
Empreinte-Carbone
Pour mémoire, en 2018 l’empreinte carbone est 1,8 fois plus importante que les émissions territoriales avec une tendance à l’augmentation des émissions importées, au contraire des émissions territoriales qui diminuent.
Rappel des orientations de la SNBC
- Mieux maîtriser le contenu carbone des produits importés
- Encourager tous les acteurs économiques à une meilleure maîtrise de leur empreinte carbone
L’essentiel des propositions de Valérie Pécresse pour améliorer la maîtrise de l’empreinte carbone se situe au niveau européen. Que ce soit pour les commandes publiques ou pour la conclusion de contrats, publics ou privés, la candidate souhaite instaurer des clauses de contenu carbone qui accordent une préférence européenne mais aussi française par un “small business act” . Or, au-delà des imprécisions relatives au champ d’application de ces clauses de contenu carbone, il est important de préciser que l’origine européenne ne garantit pas nécessairement un meilleur contenu carbone. Néanmoins, l’instauration de telles clauses pourrait potentiellement contribuer à mieux maîtriser le contenu carbone des produits importés tel que préconisé par la SNBC, puisqu’en plus d’une préférence pour les produits européens, ces clauses devraient imposer une intensité carbone précise que ne devront pas dépasser les contractants.
La candidate propose également l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union Européenne, particulièrement pertinent pour réduire l’empreinte carbone des biens importés.
Elle ne propose cependant pas d’initiative qui permettrait d’aller dans le sens d’une tarification mondiale du carbone, et qui s’appliquerait donc plus généralement à tous les acteurs, partenaires de la France ou non. Aucune mention n’est faite non plus de la prise en compte de la dimension climatique lors de la négociation de traités internationaux.
Enfin, ni l’évaluation de l’empreinte carbone par les acteurs publics ou privés ni la sensibilisation des citoyens à ces enjeux ne sont évoqués. Les objectifs de la SNBC nes sont donc couverts que de façon limitée.
Politique Économique
Politique Économique
L’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) évalue à 45,7 Mds€ les dépenses d’investissements publics et privés en faveur du climat en France en 2018 et estime que 32 à 41 Mds€ supplémentaires par an seraient nécessaires pour atteindre le budget carbone pour la période 2024-2028.
Rappel des orientations de la SNBC
- Adresser les bons signaux aux investisseurs, notamment en termes de prix du carbone, et leur donner la visibilité nécessaire sur les politiques climatiques
- Assurer une transition juste pour tous
- Soutenir les actions européennes et internationales en matière de finance et de prix du carbone cohérents avec l’accord de Paris
- Favoriser les investissements dans des projets favorables à la transition bas-carbone, en développant les outils financiers permettant de limiter la prise de risque des investisseurs et en définissant des critères robustes pour déterminer quels sont les projets favorables à la transition bas-carbone.
- Développer l’analyse des impacts climatiques des actions financées par les fonds publics et des politiques publiques, afin d’en faire un critère de décision. S’assurer que les actions contraires à l’atteinte de nos objectifs climatiques ne bénéficient pas de financement public.
La principale mesure de politique économique favorable au climat portée par Valérie Pécresse est la création d’un Livret Vert fusionnant le Livret A et le Livret de Développement Durable, qui servirait à financer 24 milliards d’euros de prêts par an vers la transition écologique. Ce montant est inférieur à celui préconisé par la SNBC (32 à 41 milliards d’euros/an entre 2024 et 2028).
La candidate propose aussi d’orienter l’épargne des français vers des “fonds d’investissements stratégiques”, mais rien n’est dit sur le fait que les entreprises utiles à la transition seraient celles qui en bénéficieraient en priorité.
La candidate s’intéresse à l’aspect solidaire de la transition, avec une aide à la rénovation énergétique pour les plus modestes seulement au travers des logements sociaux. Elle privilégie les incitations financières pour le remplacement des véhicules et des chaudières et écarte les taxes.
On peut toutefois noter l’absence de suppression des soutiens financiers aux projets allant à l’encontre de la réduction des émissions. Les mesures de Valérie Pécresse ne mentionnent pas la prise en compte par les acteurs financiers, privés et publics, des risques liés au climat, ni le signal prix du carbone.
Ces propositions ne couvrent donc que partiellement les orientations recommandées par la SNBC.
Recherche et Innovation
Recherche et Innovation
Rappel des orientations de la SNBC
- Développer les innovations bas-carbone et faciliter leur diffusion rapide, en s’appuyant sur la recherche fondamentale et appliquée
Valérie Pécresse détaille peu sa stratégie Recherche et Innovation. Elle propose d’allouer 1 Md€ supplémentaire à la recherche fondamentale et aux innovations stratégiques sans préciser dans quelle mesure cette somme sera destinée à la décarbonation. Elle mentionne néanmoins la recherche comme un levier important pour la transformation du secteur agricole.
Les mesures de sobriété ne sont pas au cœur du programme de la candidate. Valérie Pécresse mise donc principalement sur des leviers technologiques, y compris avec des innovations de rupture, pour décarboner. Sans plus de détail sur sa stratégie concernant la recherche et l’innovation qui permettrait de travailler sur ces innovations de rupture, son programme présente donc des incertitudes quant à sa faisabilité.
Le programme de la candidate indique cependant une volonté “d’innover dans les technologies de demain comme l’hydrogène” sans détailler plus les ambitions et les moyens associés.
Ces propositions ne couvrent donc les orientations recommandées par la SNBC que de manière limitée.
Urbanisme et Aménagement
Urbanisme et Aménagement
Rappel des orientations de la SNBC
- Contenir l’artificialisation des sols et réduire les émissions de carbone induites par l’urbanisation
Valérie Pécresse propose deux mesures plutôt favorables à la limitation de l’artificialisation des sols. La première consiste à créer un fonds pour la renaturation qui contribuerait à financer la désimperméabilisation des sols des villes et la dépollution des friches. Chacune de ces possibilités présente un avantage, que ce soit le retour à l’état végétalisé, qui est favorable au stockage de carbone, ou que les friches puissent être rapidement utilisées pour construire, plutôt que de faire appel à du foncier non encore artificialisé. Une deuxième mesure visant à réduire les locaux vacants peut avoir un effet favorable sur le besoin d’artificialisation des sols.
Cependant, la candidate propose de réduire drastiquement les normes et les délais administratifs. Elle indique vouloir simplifier les procédures pour les grands projets sans préciser précisément quels aspects sont visés. Dans le même sens, une seconde mesure concernant l’artificialisation des sols est de donner la possibilité aux maires “d’adapter localement l’objectif national de « zéro artificialisation nette » et en les incitant à utiliser les friches pour construire”. Ces deux mesures sont clairement opposées à la trajectoire de la SNBC au sujet de l’urbanisme et l’aménagement du territoire.
Aucune mesure ne vise à la réorganisation des espaces de manière à limiter les besoins de mobilité.
En l’état, la candidate n’adresse pas les problématiques liées à l’urbanisme et à l’aménagement.
Education et sensibilisation
Education et sensibilisation
Rappel des orientations de la SNBC
- Enrichir et partager une culture du « bas-carbone »
- Accompagner les citoyens dans leur propre transition bas-carbone
- S’assurer de l’acceptabilité sociale des mesures de politique publique découlant de la SNBC
Le programme de Valérie Pécresse évoque le développement d’incitations financières plutôt que de taxes pour décarboner la consommation des ménages, ce qui pourrait se traduire comme une mesure d’accompagnement des citoyens dans leur transition et d’acceptabilité des politiques bas-carbone. Cependant, cette proposition est très peu précise et aucune autre mesure n’est au programme pour éduquer et sensibiliser les citoyens aux enjeux énergétiques et climatiques ou pour les aider dans leur transition bas-carbone. En l’état, la couverture des enjeux d’éducation et de sensibilisation par la candidate est donc limitée.
Emploi et Formation Professionnelle
Emploi et Formation Professionnelle
Rappel des orientations de la SNBC
- Encourager une meilleure intégration des enjeux de la transition bas-carbone par les branches, les entreprises et les territoires pour favoriser les transitions et reconversions professionnelles et le développement des emplois de demain
- Adapter l’appareil de formation initiale et continue pour accompagner la transformation des activités et des territoires
Le programme de Valérie Pécresse ne couvre que de façon limitée l’accompagnement des mutations des emplois et des qualifications induites par la transition.
Une mesure vise à confier aux régions tout l’enseignement professionnel et Pôle emploi pour les rapprocher des besoins des entreprises. La simplification de l’accès au compte personnel de formation (CPF) ainsi que l’orientation vers les formations prioritaires sont proposées. Dans les deux cas, la prise en compte des secteurs potentiellement impactés par la transition n’est pas spécifiée.
Orientations sectorielles
Transports
Transports
Le secteur des transports est le premier émetteur de GES en France (environ un tiers des émissions). Ce secteur présente une grande dépendance au pétrole (95% de sa consommation).
Pour décarboner le secteur, qui englobe à la fois le transport de voyageurs et de marchandises, les mesures liées à la technologie (électrification ou passage à des carburants bas carbone) ne suffiront pas. Des mesures d’efficacité énergétique des véhicules et de sobriété (limitation de l’augmentation de la demande, utilisation des transports en commun, du covoiturage, du vélo…) devront être combinées pour atteindre cet objectif.
Rappel des orientations de la SNBC
- Donner au secteur des signaux prix incitatifs
- Fixer des objectifs clairs et cohérents avec les objectifs visés pour la transition énergétique des parcs
- Accompagner l’évolution des flottes pour tous les modes de transport
- Soutenir les collectivités locales et les entreprises dans la mise en place d’initiatives innovantes
- Encourager au report modal en soutenant les mobilités actives et les transports massifiés et collectifs (fret et voyageurs) et en développant l’intermodalité
- Maîtriser la hausse de la demande de transport
Selon le programme de Valérie Pécresse, à partir de 2035, aucun véhicule neuf fonctionnant seulement aux énergies fossiles ne sera vendu. La fin de la vente des véhicules hybrides, quant à elle, sera effective en 2040. La candidate propose un accompagnement à l’électrification des usages, par des aides aux ménages les plus modestes pour changer de véhicule, le déploiement de 200 000 bornes de recharge et le développement d’un marché de l’occasion.
Elle prévoit aussi le développement des biocarburants, de l’hydrogène et l’électrique pour l’aviation et la logistique. Concernant l’aviation, la technologie hydrogène est à un stade très précoce et les biocarburants de 2ème génération nécessiteront des arbitrages entre les différents usages de la ressource limitée.
Elle propose également un plan d’investissement TGV et des lignes régionales sans préciser les objectifs en termes de report modal de la voiture vers le train pour la mobilité longue distance.
La candidate propose l’indexation automatique des indemnités de frais kilométriques sur le prix des carburants, sachant qu’elles couvrent le coût total du véhicule et pas seulement le coût carburant, et la suppression du plafond de 40km entre le domicile et le travail. Cette mesure constitue à minima une baisse de l’incitation à opter pour un véhicule plus sobre ou à diminuer sa distance domicile-travail.
Les mesures présentées ne vont pas toutes dans le sens de la SNBC, dont les objectifs sont couverts de façon limitée : pas de développement des modes doux ou de démobilité par exemple. L’approche est donc très technologique sans intention de développer une sobriété nécessaire à l’atteinte des objectifs. La faisabilité de la décarbonation sans report modal et avec un recours important aux biocarburants interroge.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Valérie Pécresse fixe deux objectifs (applicables aux voitures, camions, cars, bus, trains, deux roues, bateaux, petits avions) : en 2035, plus aucun véhicule neuf ne fonctionnera qu’avec des énergies fossiles ; en 2040, tous les véhicules neufs s’en passeront complètement. Cette mesure impacte donc l’ensemble des secteurs du transport, et l’atteinte de ces objectifs conduirait à une réduction des émissions de GES correspondant à 20% de l’empreinte carbone totale de la France.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
-130,6 Mt.CO2/an en 2050
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La mesure va plus loin que la SNBC, qui prévoit en 2040 uniquement la fin de la vente des véhicules légers utilisant des énergies fossiles, en l’élargissant aux autres véhicules et en prévoyant une étape supplémentaire dans le calendrier de décarbonation en 2035.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
La faisabilité de cette mesure dans l’horizon temporel visé dépendra fortement de la capacité d’adaptation et des contraintes qui seront imposées à la filière industrielle concernée. De plus, des précisions doivent être ajoutées sur les conditions du renouvellement, avec notamment des contraintes fortes sur les émissions et l’efficacité énergétique des nouveaux véhicules afin que le renouvellement du parc ne soit pas trop gourmand vis-à-vis du système électrique français. Il est à noter que les technologies de remplacement ne sont pas spécifiées pour les différents modes de transports, et qu’elles reposent aujourd’hui sur une incertitude technologique pour certains d’entre eux.
Bâtiments
Bâtiments
Le secteur résidentiel/tertiaire a émis à hauteur de 19% des émissions nationales, et 28% en considérant les émissions liées à la production d’énergie consommée dans les bâtiments.
Rappel des orientations de la SNBC
- Guider l’évolution du mix énergétique sur la phase d’usage des bâtiments existants et neufs vers une consommation énergétique totalement décarbonée
- Inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire afin d’atteindre un niveau BBC équivalent en moyenne sur l’ensemble du parc
- Accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales
- Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages
Valérie Pécresse fixe un objectif de 500 000 logements neufs ou rénovés et souhaite renforcer les dispositifs de rénovation en proposant un doublement du rythme actuel. La candidate n’indique pas de montant d’investissement et l’objectif quantitatif de rénovation énergétique complète manque d’ambition car il consiste en un doublement du rythme de rénovation qui s’élevait à moins de 60 000 logements complètement rénovés en 2021 sur un parc total de 36 millions de logements. Les rénovations ayant fortement augmentées en nombre ces 2 dernières années, mais sur des chantiers plus petits, cette mesure demeure donc difficile à évaluer.
Elle propose également une mesure qui a pour objectif de diminuer le nombre de bureaux vacants en favorisant leur transformation en logements et donc en diminuant la construction de bâtiments neufs.
La question de l’évolution du mix énergétique utilisé pour le chauffage des bâtiments, l’abandon des chaudières au charbon/fioul et gaz ainsi que l’utilisation de matériaux moins carbonés pour la rénovation ou la construction ne sont pas mentionnés dans le programme de la candidate.
Globalement, les mesures de Valérie Pécresse ne balayent que de manière limitée les orientations prévues par la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Valérie Pécresse propose de “lutter contre la précarité énergétique en amplifiant la politique de rénovation énergétique avec des aides de l’Etat qui devront concerner tous les logements sociaux” avant la fin du mandat. Cette mesure permettrait de réduire drastiquement les besoins énergétiques des logements sociaux et par conséquent d’atteindre une décarbonation entière des logements rénovés à condition que ce soit des rénovations complètes (modification du mix énergétique et isolation thermique).
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
Si tout le parc de logements sociaux est entièrement rénové (électrification des usages énergétiques et isolation complète des logements), la réduction d’émission correspond à 5 Mt CO2 par an, soit une diminution de moins de 1% des émissions de GES de la France. Il n’est toutefois pas possible d’évaluer le nombre de logements qui seront réellement rénovés par an, le montant des investissements et les horizons temporels n’étant pas indiqués dans la mesure.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La mise en œuvre de la rénovation des logements sociaux uniquement est réaliste sur un horizon temporel court (avant 2050) car cela ne concerne que 14% du parc de logements français. De plus, les bailleurs sociaux sont incités à les effectuer grâce aux aides de l’Etat.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure ne concerne que les logements sociaux, soit moins de 14% du parc de logements français, son impact est ainsi assez faible.
Par ailleurs, le fait que ni le montant des aides ni la formation des professionnels du secteur ne soient spécifiés rend la quantification des logements effectivement isolés difficile à évaluer.
Agriculture
Agriculture
L’agriculture est le 2ème poste d’émission de GES en France (19% avec 86,0 Mt CO2eq ). Si on y ajoute les émissions liées à la transformation agro-alimentaire, l’alimentation représente 24% du total de nos émissions. Celles-ci sont principalement liées à l’élevage bovin, à l’utilisation de fertilisants azotés dans les cultures ainsi qu’à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les tracteurs et chauffer les serres.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation, le contenu de notre assiette doit être modifié (diminution des protéines animales, augmentation des protéines végétales) et le développement de l’agroécologie privilégié (réduction des intrants, optimisation du travail du sol, augmentation du carbone stocké dans les sols).Rappel des orientations de la SNBC
- Réduire les émissions directes et indirectes de N2O et CH4, en s’appuyant sur l’agro-écologie et l’agriculture de précision
- Réduire les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et développer l’usage des énergies renouvelables
- Développer la production d’énergie décarbonée et la bioéconomie pour contribuer à la réduction des émissions de CO2 françaises, et renforcer la valeur ajoutée du secteur agricole
- Stopper le déstockage actuel de carbone des sols agricoles et inverser la tendance, en lien avec l’initiative « 4p1000, les sols pour la sécurité alimentaire et le climat »
- Influencer la demande et la consommation dans les filières agroalimentaires en lien avec le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN)
- Améliorer les méthodologies d’inventaires et de suivi
Les mesures proposées par Valérie Pécresse concernant la lutte contre le changement climatique dans le domaine agricole passe par la recherche, en particulier autour de l’INRAE, et des solutions technologiques. Par ailleurs, elle propose de donner la possibilité aux agriculteurs de vendre des crédits carbone en fonction des services écosystémiques qu’ils fournissent. Cela vise à inciter les pratiques agricoles moins intensives. Il n’est pas clair si cette approche calquée sur l’approche “bas-carbone grande culture” opérationnelle depuis quelque mois en sera une extension centrée sur la capture de carbone par les cultures ou si elle traitera plus de questions de biodiversité.
Sur la question de l’interdiction de certains phytosanitaires agricoles, la candidate propose d’investir dans la recherche de solutions de substitution, et n’interdira pas ces produits avant qu’une alternative n’ait été trouvée. Cette approche n’est incitative ni pour changer de pratique ni pour produire des efforts substantiels de recherche. De plus, elle souhaite réviser la réglementation française existante issue du cadre juridique agricole européen et mettre fin à la “surtransposition systématique des directives européennes”. Ces initiatives visent à réduire les contraintes imposées aux agriculteurs mais risquent, dans le même temps, d’avoir des impacts négatifs sur la décarbonation du secteur.
Elle ne fixe pas d’objectif pour les enjeux clés de décarbonation de l’agriculture : réduction de l’utilisation des engrais et des pesticides, développement de l’agro-écologie, consommation d’énergie dans le secteur, part des protéines animales dans les régimes alimentaires. Seule une mesure de diversification des exploitations, misant notamment sur le déploiement des biocarburants de deuxième génération (produits à partir de biomasse non comestible), s’aligne avec une orientation de la SNBC, mais cette mesure reste peu précise (objectif non chiffré et horizon temporel non défini).
La couverture des objectifs de la SNBC n’est donc que limitée.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Valérie Pécresse propose de soutenir la diversification des exploitations en misant notamment sur les biocarburants : consolider leur statut à Bruxelles, renforcer les filières industrielles et déployer les biocarburants de 2ème génération.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Le déploiement des biocarburants de 2ème génération (ou avancés) permet de se substituer à l’utilisation de combustibles fossiles. Une large partie des émissions de GES de la production de ces biocarburants est compensée par la captation de carbone lors de la croissance de la plante ou de l’arbre qui sert de ressource. La 2ème génération utilise des ressources comme le bois ou la paille qui ne sont pas ou peu en compétition avec les cultures alimentaires. Cela permet d’éviter de créer des tensions sur les marchés alimentaires qui renchérissent les prix de l’alimentation, avec des conséquences sociales dans le monde; et accroissent les besoins en terres pour produire de la nourriture au niveau mondial, engendrant ainsi de la déforestation et ses conséquences néfastes sur l’environnement.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
La Commission européenne a décidé de progressivement interdire une partie des biocarburants de 1ère génération (produits notamment à partir de blé, de betterave ou de maïs) d’ici à 2030 car ceux-ci accroissent les tensions sur les marchés mondiaux de denrées alimentaires et conduisent à accroître la déforestation au niveau mondial qui est néfaste pour le climat. Les biocarburants de deuxième génération sont encore au stade de test du passage à l’échelle industrielle. La faisabilité d’un déploiement à court terme n’est donc pas validée.
Forêt-Bois
Forêt-Bois
La forêt capte du carbone qui est ensuite stocké dans les sols et dans le bois. Celui-ci n’est libéré dans l’atmosphère que lorsque le bois est brûlé. La politique forestière peut contribuer à la décarbonation en développant les surfaces et la santé des forêts afin qu’elles captent plus de carbone, en développant l’utilisation du matériau bois principalement dans des usages à longue durée de vie comme la construction; et en réservant la valorisation énergétique aux coproduits, aux haies agricoles et aux produits en fin de vie.
Mais la forêt, qui constitue un refuge pour la biodiversité et un puits de carbone considérable, est menacée par le changement climatique. La gestion de nos forêts doit donc trouver le juste équilibre entre une exploitation optimale du bois et une politique de préservation de cet écosystème.Rappel des orientations de la SNBC
- En amont, assurer dans le temps la conservation et le renforcement des puits et des stocks de carbone du secteur forêt-bois, ainsi que leur résilience aux stress climatiques
- Maximiser les effets de substitution et le stockage de carbone dans les produits bois en jouant sur l’offre et la demande
- Evaluer la mise en œuvre des politiques induites et les ajuster régulièrement en conséquence, pour garantir l’atteinte des résultats et des co-bénéfices attendus
Valérie Pécresse propose un fonds de 150 M€ pour faire émerger une filière bois en France. Sans plus d’information, il n’est pas possible d’évaluer sa pertinence du point de vue de la décarbonation, car selon les activités qu’elle encourage, elle pourra conduire à une sur-exploitation de forêt, en intensifiant par exemple l’exploitation du bois énergie, ou à l’inverse favoriser le stockage de CO2 et l’exploitation de bois comme matériau qui stockera du CO2 de façon durable. .
Ces propositions ne couvrent donc les orientations recommandées par la SNBC que de manière limitée.
Industrie
Industrie
Le secteur de l’industrie représente 17% des émissions nationales en 2017 (81 Mt CO2 eq), soit bien plus que son poids économique (un peu plus de 10% de la Valeur Ajoutée et des emplois en France).
C’est sur l’industrie lourde que pèse la part principale des efforts à mener. En effet, les trois secteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction représentent à eux seuls 60% des émissions du secteur.
La décarbonation du secteur industriel passe par la mise en œuvre de plusieurs leviers : la sobriété (réduction des emballages plastiques, optimisation des quantités de béton utilisées dans la construction neuve, etc.), le progrès continu (efficacité énergétique, utilisation de sources d’énergie alternatives, augmentation du recyclage, éco-conception, etc.) et la rupture technologique (recours à l’hydrogène produit par électrolyse pour produire des engrais azotés, mise en place du captage et stockage de CO2, etc.).
Rappel des orientations de la SNBC
- Accompagner les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone et le développement de nouvelles filières
- Engager dès aujourd’hui le développement et l’adoption de technologies de rupture pour réduire et si possible supprimer les émissions résiduelles
- Donner un cadre incitant à la maîtrise de la demande en énergie et en matières, en privilégiant les énergies décarbonées et l’économie circulaire
Malgré un positionnement volontariste affiché au sujet de la décarbonation de l’économie française, l’esprit du programme de Valérie Pécresse semble surtout de développer une politique incitative sans orienter les choix vers la décarbonation.
Une incitation est faite par la réduction de l’éco-participation sous condition de réemploi de matière recyclée dans les produits de l’industrie. Cette mesure qui vise à l’émergence de débouchés pour les matériaux recyclés privera de ses ressources – sans compensation annoncée – la filière de recyclage qui bénéficie de l’éco-participation.
Parmi les secteurs industriels pour lesquels la candidate souhaite créer un champion français et européen, nous observons la forte orientation de la candidate pour les solutions technologiques et sans lien direct avec la décarbonation pour la plupart : Intelligence artificielle, spatial, véhicules autonomes, batteries du futur.
La couverture des objectifs de la SNBC n’est donc que limitée.
Production d’énergie
Production d’énergie
Le secteur de la production d’énergie est responsable d’environ 10% des émissions françaises de GES. En France, ces émissions sont essentiellement dues à la production d’électricité et de chaleur (plus de 50%), au raffinage du pétrole et au traitement des combustibles solides (charbon).
Si la production d’électricité française est peu carbonée par rapport à ses voisins européens en raison de son origine majoritairement nucléaire, sa décarbonation complète demeure un enjeu important, notamment dans un contexte de baisse de la part du nucléaire et de forte augmentation de la production issue d’énergies renouvelables.
Rappel des orientations de la SNBC
- Décarboner et diversifier le mix énergétique notamment via le développement des énergies renouvelables (chaleur décarbonée, biomasse et électricité décarbonée)
- Maîtriser la demande via l’efficacité énergétique et la sobriété et lisser la courbe de demande électrique en atténuant les pointes de consommation saisonnières et journalières
- Préciser les options pour mieux éclairer les choix structurants de long terme, notamment le devenir des réseaux de gaz et de chaleur
Globalement, les orientations de Valérie Pécresse s’inscrivent dans un objectif de diversification du mix électrique cohérent avec l’objectif de la SNBC visant à décarboner la production d’électricité à horizon 2050. Les mesures annoncées comprennent la prolongation du parc existant, mais aussi la construction de 6 EPR dont 4 devraient être mis en service avant 2035, ce qui est plus ambitieux que ce que RTE annonce pouvoir faire à savoir des mise en service à partir de 2035, ce qui peut faire douter de l’atteinte de l’objectif.
Elle propose également un développement des énergies renouvelables avec une recherche de consensus sur l’éolien en associant les citoyens et en instaurant des zones de protection des paysages remarquables. Le nucléaire n’est pas vu comme énergie de transition mais comme une énergie à développer sur le long terme (soutien aux petits réacteurs modulaires, relance de la recherche sur les réacteurs de 4e génération).
Un effort supplémentaire est envisagé en portant la dotation du fonds chaleur à 500 millions d’euros par an afin de soutenir le développement de la chaleur renouvelable (géothermie, biomasse, déchets,…)
Par ailleurs, le programme repose notamment sur des solutions technologiques, dont l’hydrogène qui est encore en développement.
Le programme de Valérie Pécresse ne couvre pas les aspects d’efficacité énergétique et de sobriété. Sans mesures fortes sur ces aspects, les besoins en électricité vont probablement augmenter significativement étant donné que la candidate souhaite développer l’électrification des transports ainsi que la production d’hydrogène décarboné (fortement consommatrice d’électricité). Par conséquent, il est possible que les mesures annoncées pour la production d’énergie décarbonée ne soient pas suffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins en électricité de l’économie française.
Par ailleurs, certaines des mesures proposées par Valérie Pécresse sont antagonistes avec les orientations de la SNBC. En particulier, elle propose de réduire la TVA sur l’électricité ce qui en diminuerait le coût et pourrait entraîner un effet rebond.
Ces propositions ne couvrent donc que partiellement les orientations recommandées par la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Valérie Pécresse propose de rénover le parc nucléaire existant afin de le prolonger (suppression de l’objectif de la PPE de l’arrêt de 12 réacteurs afin de porter à 50% la part du nucléaire en 2035), de construire 6 nouveaux réacteurs de 3e génération (EPR), dont 4 d’ici 2035, et de relancer le projet de recherche “ASTRID” sur les réacteurs de 4e génération.
Un chiffrage précis des impacts sans une trajectoire de consommation précise est difficile.. On peut néanmoins s’attendre à une une hausse progressive de la consommation électrique due à l’électrification des usages, nécessaire à la transition énergétique. Cette augmentation est estimée à +12% en 2035, soit 55 TWh supplémentaires selon le scénario de référence RTE . Dans un tel scénario, le développement de 6 nouveaux EPR ne comblerait pas l’augmentation de la demande. Cette mesure est donc insuffisante en tant que telle.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Malgré un manque d’horizon temporel au-delà des 6 nouveaux réacteurs EPR, ce choix politique est précis dans ses objectifs.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Le projet ASTRID se base sur des technologies qui ne sont pas encore à maturité, il convient donc de rester prudent quant aux dates de mise en service possibles. D’autre part, le calendrier de mise en service de 4 EPR d’ici 2035 apparaît comme très fortement improbable au regard des conclusions du rapport RTE “Futurs Énergétiques 2050”, établi après consultation de la filière nucléaire elle-même.
Déchets
Déchets
Le secteur des déchets représente environ 3% des émissions GES nationales dont une très grande partie est liée à l’émission de méthane par l’enfouissement des déchets et les installations de traitement d’eau usées. Au-delà des GES, la limitation de la production de déchets a des effets positifs sur d’autres secteurs (bâtiment, industrie etc) et initie un mouvement vers une société bas carbone sobre et circulaire.
Rappel des orientations de la SNBC
- Inciter l’ensemble des acteurs à une réduction de leurs déchets
- Inciter les producteurs à prévenir la production de déchets dès la phase de conception des produits
- Améliorer la collecte et la gestion des déchets en développant la valorisation et en améliorant l’efficacité des filières de traitement
Valérie Pécresse ne fait qu’une proposition de fin des plastiques à usage unique d’ici la fin du mandat présidentiel. S’il s’agit d’une interdiction générale, elle constitue un progrès par rapport à la loi en vigueur qui le prévoit pour 2040 avec des interdictions progressives.
Par ailleurs, afin de favoriser le recyclage, une incitation financière est proposée pour la mise dans le circuit de recyclage des téléphones et ordinateurs.
Ces propositions ne couvrent que de façon limitée les objectifs SNBC du secteur.