Anne HIDALGO
Synthèse de la couverture de la SNBC par le programme
Le programme d’Anne Hidalgo couvre tous les secteurs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Les références à la transition, à l’écologie et à la baisse des émissions de CO2 sont présentes dans nombre des mesures qu’elle porte. Une gouvernance forte est proposée pour la mise en œuvre des mesures. Elle s’illustre notamment à travers la nomination d’un ministre du climat numéro 2 du gouvernement et également en charge de l’économie.
Les actions proposées passent davantage par des incitations fiscales ou financières (par exemple en taxant certains vols aériens ou en réduisant certains taux de TVA) que par des interdictions. La plupart des mesures du programme ne mentionnent pas de nouvelles technologies ou se basent sur des technologies actuellement disponibles.
Le programme comporte plusieurs axes cohérents avec la SNBC en matière de décarbonation :
- La candidate propose d’intégrer à la constitution l’obligation de lutter contre le réchauffement climatique, ce qui permet d’assurer la cohérence de l’ensemble des décisions publiques avec les enjeux climatiques.
- Une attention forte est portée au secteur de l’agriculture, avec une évolution importante vers l’agroécologie tout en prenant en compte les revenus et les conditions d’installation des agriculteurs.
- Les enjeux liés à la décarbonation des transports sont mentionnés, et couvrent en particulier l’accès aux mobilités électriques et le développement du secteur ferroviaire et du covoiturage.
- Les mesures concernant l’industrie visent à décarboner et à financer cette transition, que ce soit par des financements publics ou par l’orientation des financements privés vers la décarbonation.
- Le programme propose des mesures de décarbonation du secteur du bâtiment, notamment par la mise en œuvre d’un plan de rénovation énergétique de 60% des logements privés d’ici à 2050, de manière incitative.
- Afin que la transition écologique soit socialement soutenable, le programme comporte des mesures d’accompagnement et de prise en compte des situations des publics les plus isolés et les plus modestes, dans le domaine des transports et de la rénovation énergétique des bâtiments notamment.
Cependant, le programme comporte des angles morts et des lacunes au regard de la SNBC :
- Le programme ne mentionne pas l’enjeu important que constitue la diminution de la part carnée de l’alimentation.
- En matière de transports, le programme ne mentionne pas les mobilités douces ni la réduction des déplacements.
- En ce qui concerne les bâtiments, ceux du secteur tertiaire ne sont pas assujettis aux mesures de rénovation. Par ailleurs, le programme ne priorise pas l’abandon des chaudières à charbon, fioul ou gaz du bâti existant ou neuf, et le recours aux matériaux et équipements décarbonés pour la construction des nouveaux bâtiments n’est pas abordé.
- Le programme ne présente aucune mesure précise sur la décarbonation de l’industrie lourde (métallurgie, chimie et ciment-béton), qui est la plus grosse émettrice de gaz à effet de serre (GES) du secteur.
- Si des mesures visent à développer l’emploi dans des secteurs favorables à la décarbonation, celles-ci ne sont globalement pas ou peu accompagnées de propositions opérationnelles pour assurer les besoins en emplois (mesures d’attractivité) et compétences (mesures de formation) nécessaires à ce développement.
- Enfin la nécessité de sobriété dans les usages et la consommation est absente de nombreux secteurs : le mot “sobriété” n’apparaît que deux fois dans le programme, et uniquement à propos des usages numériques, même si plusieurs mesures vont implicitement dans ce sens (soutien à l’économie circulaire, à la consommation durable ou au réemploi des produits électroniques).
A l’opposé, le programme comporte une mesure allant à l’encontre de la SNBC :
- La baisse de la TVA sur l’électricité et temporairement sur les carburants pourrait provoquer un rebond de la consommation.
En synthèse, le programme d’Anne Hidalgo propose davantage un accompagnement des particuliers et des entreprises vers la transition via des mesures principalement incitatives plutôt qu’une stratégie claire et réaliste pour atteindre les objectifs de la SNBC. La position centrale du ministre du climat dans le dispositif gouvernemental est un signal fort, néanmoins nombre de mesures restent au niveau de l’intention, sans quantification ni indication claire sur la façon dont elles pourront être atteintes.
Focus par secteurs et mesures phares
Orientations transversales
Gouvernance et mise en œuvre
Gouvernance et mise en œuvre
Rappel des orientations de la SNBC
- Assurer la cohérence de l’ensemble des politiques publiques nationales avec la stratégie nationale bas-carbone
- Développer des modalités de gouvernance facilitant la mise en œuvre territoriale de l’objectif de neutralité carbone
- Développer une offre de données permettant la comparaison des trajectoires de transition territoriales avec la trajectoire nationale
Anne Hidalgo propose d’intégrer la dimension climatique au plus haut niveau en l’inscrivant au sein de la constitution. En vertu de la hiérarchie des normes, l’ensemble des autres dispositions légales ou réglementaires devront ainsi en tenir compte.
Anne Hidalgo propose de nommer un ministre du Climat, de la Biodiversité et de l’Économie, numéro 2 du gouvernement. En complément, la candidate propose un “budget climat et biodiversité” annuellement débattu par la représentation nationale simultanément aux lois de finances pour procéder aux ouvertures de crédits requises. Il semble s’agir d’une évolution de l’actuel budget carbone.Il n’est cependant pas clair dans quelle mesure celle-ci sera différente du budget carbone déjà en vigueur dans la SNBC, ni quel sera son caractère impératif.
Au-delà des recommandations de la SNBC, la candidate prévoit de réaffirmer le rôle moteur de la France et de l’Europe dans la lutte internationale contre le dérèglement climatique en particulier en organisant un sommet mondial en 2025, dix après la COP21 : “Paris+10”.
Cependant, le programme ne mentionne pas explicitement l’évaluation de l’impact carbone des politiques publiques et n’offre pas d’indications sur l’implication des territoires, échelle d’action pourtant plébiscitée par la SNBC.
Anne Hidalgo couvre ainsi partiellement les enjeux de gouvernance soulevés par la SNBC.
Empreinte-Carbone
Empreinte-Carbone
Pour mémoire, en 2018 l’empreinte carbone est 1,8 fois plus importante que les émissions territoriales avec une tendance à l’augmentation des émissions importées, au contraire des émissions territoriales qui diminuent.
Rappel des orientations de la SNBC
- Mieux maîtriser le contenu carbone des produits importés
- Encourager tous les acteurs économiques à une meilleure maîtrise de leur empreinte carbone
Anne Hidalgo couvre partiellement les dispositions prévues par la SNBC en ce qui concerne l’empreinte carbone. Afin d’inciter la prise en compte de la dimension climatique par les acteurs internationaux, Anne Hidalgo souhaite conditionner les traités commerciaux aux respects de critères environnementaux. Elle souhaite également mobiliser un sommet mondial contre le changement climatique sans préciser si elle prévoit d’y proposer la mise en place d’une taxe carbone mondialisée.
La candidate propose des relocalisations, cette mesure peut avoir un impact positif sur l’empreinte carbone de par le mix énergétique français moins carboné que celui de nos partenaires commerciaux.
Pour inciter les acteurs nationaux (entreprises comme citoyens), Anne Hidalgo souhaite promouvoir un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Elle propose la mise en place d’une labellisation afin d’éviter le greenwashing, sans préciser toutefois si l’empreinte carbone figurera parmi les critères.
Politique Économique
Politique Économique
L’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) évalue à 45,7 Mds€ les dépenses d’investissements publics et privés en faveur du climat en France en 2018 et estime que 32 à 41 Mds€ supplémentaires par an seraient nécessaires pour atteindre le budget carbone pour la période 2024-2028.
Rappel des orientations de la SNBC
- Adresser les bons signaux aux investisseurs, notamment en termes de prix du carbone, et leur donner la visibilité nécessaire sur les politiques climatiques
- Assurer une transition juste pour tous
- Soutenir les actions européennes et internationales en matière de finance et de prix du carbone cohérents avec l’accord de Paris
- Favoriser les investissements dans des projets favorables à la transition bas-carbone, en développant les outils financiers permettant de limiter la prise de risque des investisseurs et en définissant des critères robustes pour déterminer quels sont les projets favorables à la transition bas-carbone.
- Développer l’analyse des impacts climatiques des actions financées par les fonds publics et des politiques publiques, afin d’en faire un critère de décision. S’assurer que les actions contraires à l’atteinte de nos objectifs climatiques ne bénéficient pas de financement public.
Le programme d’Anne Hidalgo utilise l’ensemble des leviers proposés par la SNBC pour remplir l’objectif de réorienter les flux financiers publics et privés vers une transition écologique et solidaire, bien que les modalités d’application de ses mesures ne soient pas toujours détaillées. L’une de ses propositions phares est l’évaluation systématique de la politique publique (budget climat et biodiversité qui fixe les programmations de réduction d’émission de CO2). Si elle est alignée sur l’objectif de réorientation des flux financiers vers la transition, cette proposition ne détaille pas le programme de réduction des émissions. La candidate propose aussi une réduction des dépenses publiques défavorables à l’environnement et le conditionnement des aides publiques à des critères environnementaux.
Les secteurs d’émissions les plus importants bénéficient tous d’investissements publics en faveur de la décarbonation (transports, logement, déchets). L’incitation financière est utilisée, sur l’aviation par exemple, ou via une TVA réduite sur les produits recyclés, réemployés ou bio au niveau européen.
Il apparaît important pour la candidate que la transition écologique soit socialement soutenable. Elle prévoit ainsi un accompagnement des publics les plus modestes et l’instauration d’un “Impôt de Solidarité sur la Fortune Climat et Biodiversité”.
Concernant la finance privée, la candidate propose un premier type de mesures visant à limiter les investissements dans les énergies fossiles, notamment via la taxation des placements et des pénalités appliquées aux banques et assurances sur les investissements dans ces énergies.
Ces leviers de décarbonation sont cohérents avec les orientations de la SNBC mais le manque de précision des mesures, notamment sur le niveau de contrainte des mécanismes envisagés et la taxonomie, ne permet pas d’évaluer leur efficacité.
Le programme prévoit également la création d’un livret de développement industriel par l’écologie. C’est une mesure complémentaire, incitative et en ligne avec la SNBC. Ce livret permettrait de répondre à une partie des besoins en financement de projets industriels de décarbonation ; cependant l’imprécision de cette mesure quant aux industries concernées et aux ambitions de collecte d’épargne ne permet pas de quantifier son impact.
L’échelon européen est mentionné en ce qui concerne la réorientation de moyens pour accompagner la transition énergétique dans les secteurs et territoires concernés, ainsi que l’application d’un mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières.
Recherche et Innovation
Recherche et Innovation
Rappel des orientations de la SNBC
- Développer les innovations bas-carbone et faciliter leur diffusion rapide, en s’appuyant sur la recherche fondamentale et appliquée
Anne Hidalgo affiche un soutien clair à la recherche publique dans son programme qui doit se concentrer sur les 4 “odyssées” santé, énergie, numérique et transports. Elle prévoit que la part publique et privée de la R&D atteigne 3% du PIB en fin de mandat.
Elle n’effectue cependant aucun arbitrage assumé concernant la part dédiée à la décarbonation et ne fixe pas d’objectifs précis. En l’état, son programme recherche et innovation couvre donc de manière partielle les objectifs de l’orientation Recherche de la SNBC.
Urbanisme et Aménagement
Urbanisme et Aménagement
Rappel des orientations de la SNBC
- Contenir l’artificialisation des sols et réduire les émissions de carbone induites par l’urbanisation
Anne Hidalgo n’adresse pas réellement les enjeux soulevés par la SNBC pour ce secteur : le sujet de la lutte contre l’artificialisation des sols n’est traité que dans l’une des mesures, celle liée à la concentration des terres agricoles. Anne Hidalgo ne donne pas de détails sur la mise en œuvre de la mesure, ni d’objectifs clairs quant à sa réalisation, ce qui ne permet pas d’évaluer son impact réel sur l’atteinte des objectifs de la SNBC.
Par ailleurs, l’effort de réindustrialisation proposé par la candidate autour de quatre “odyssées” peut nécessiter une emprise au sol supérieure aux actuelles friches disponibles sur le territoire français. La candidate ne propose pas de mesures pour inciter au développement de formes urbaines denses, et du commerce de centre ville, moins consommateur de sols.
Education et sensibilisation
Education et sensibilisation
Rappel des orientations de la SNBC
- Enrichir et partager une culture du « bas-carbone »
- Accompagner les citoyens dans leur propre transition bas-carbone
- S’assurer de l’acceptabilité sociale des mesures de politique publique découlant de la SNBC
Les mesures d’Anne Hidalgo se concentrent surtout sur l’accompagnement des citoyens dans leur transition. Elle prévoit par exemple une baisse de la TVA ou des aides financières pour faciliter l’acquisition d’un véhicule électrique, les déplacements en train ou la consommation de produits alimentaires locaux.
Par contre, la candidate ne propose pas de mesures pour l’éducation et la sensibilisation aux enjeux climatiques, à part un projet de labellisation exigeante des produits pour lutter contre le greenwashing. Si son programme comprend des propositions visant à soutenir l’acceptabilité sociale des mesures de politique publique, il répond de manière limitée aux objectifs de la SNBC concernant la diffusion d’une culture du bas-carbone.
Emploi et Formation Professionnelle
Emploi et Formation Professionnelle
Rappel des orientations de la SNBC
- Encourager une meilleure intégration des enjeux de la transition bas-carbone par les branches, les entreprises et les territoires pour favoriser les transitions et reconversions professionnelles et le développement des emplois de demain
- Adapter l’appareil de formation initiale et continue pour accompagner la transformation des activités et des territoires
Le programme d’Anne Hidalgo ne couvre que de façon limitée l’accompagnement du secteur de l’emploi dans la transition bas carbone.
L’objectif de développement de l’agro-écologie est bien accompagné de certaines mesures de formation et d’attractivité (basée uniquement sur la rémunération), mais il s’agit du seul.
La candidate ne propose pas de mesure de formation pour faciliter l’adaptation des compétences aux besoins de la transition.
Orientations sectorielles
Transports
Transports
Le secteur des transports est le premier émetteur de GES en France (environ un tiers des émissions). Ce secteur présente une grande dépendance au pétrole (95% de sa consommation).
Pour décarboner le secteur, qui englobe à la fois le transport de voyageurs et de marchandises, les mesures liées à la technologie (électrification ou passage à des carburants bas carbone) ne suffiront pas. Des mesures d’efficacité énergétique des véhicules et de sobriété (limitation de l’augmentation de la demande, utilisation des transports en commun, du covoiturage, du vélo…) devront être combinées pour atteindre cet objectif.
Rappel des orientations de la SNBC
- Donner au secteur des signaux prix incitatifs
- Fixer des objectifs clairs et cohérents avec les objectifs visés pour la transition énergétique des parcs
- Accompagner l’évolution des flottes pour tous les modes de transport
- Soutenir les collectivités locales et les entreprises dans la mise en place d’initiatives innovantes
- Encourager au report modal en soutenant les mobilités actives et les transports massifiés et collectifs (fret et voyageurs) et en développant l’intermodalité
- Maîtriser la hausse de la demande de transport
Le programme d’Anne Hidalgo comporte plusieurs mesures cohérentes visant à décarboner l’usage de la voiture : aides à l’acquisition de véhicules électriques ou au retrofit, déploiement de bornes de rechargement sur tout le territoire (en priorité dans les zones rurales). Il prévoit également d’inciter à la réduction du nombre de voitures en circulation, avec la mise en place d’un système de leasing de véhicules électriques ainsi que des voies réservées au covoiturage et aux transports en commun.
Plusieurs de ces mesures accordent une attention particulière aux publics les plus précaires ou les plus isolés géographiquement, comme préconisé par la SNBC.
Une taxation des modes aériens et routiers est prévue, au travers d’une taxe sur certains billets d’avions et d’une tarification différenciée selon les émissions de polluants sur le réseau autoroutier.
Des investissements importants sont également annoncés dans les réseaux ferroviaires pour le retour des petites lignes ainsi que le développement des trains de nuit et du fret ferroviaire, cette dernière mesure étant complétée par une revitalisation des voies de fret maritime et fluvial.
Bon nombre des orientations de la SNBC sont donc couvertes, mais certains leviers viennent à manquer, à l’instar de mesures de soutien aux modes de déplacements actifs, ou des transports en commun ainsi que des mesures visant à limiter les besoins de mobilité (télétravail, décentralisation, aménagement urbain, circuits de proximité…), toutes ces approches étant préconisées par la SNBC. La couverture de la SNBC est donc partielle concernant ce secteur.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
La candidate propose des investissements massifs dans le ferroviaire, en lien avec les Régions, pour financer le retour des trains de nuit. L’intérêt de la mesure tient au fait que le train est beaucoup moins émetteur de CO2 que l’avion ou la voiture, mais l’impact global dépendra du nombre de lignes ouvertes et du report modal effectif: le plan actuel du gouvernement prévoit 6 nouvelles lignes intérieures et 4 lignes européennes, mais certains plans plus ambitieux prévoient d’aller jusqu’à 15 lignes intérieures et 15 lignes européennes.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
-0,3 à -1,9 Mt.CO2/an en 2030 selon le nombre de lignes concernées.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Les trains de nuit, abandonnés progressivement depuis 2007 jusqu’à ne plus compter que deux lignes aujourd’hui, permettent d’offrir une alternative à l’avion et la voiture sur les longues distances.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Le nombre et le trajet des lignes visées n’est pas annoncé. On ne sait donc pas si le projet est plus ambitieux que le plan actuel du gouvernement. L’horizon temporel de cette mesure n’est pas non plus précisé
Bâtiments
Bâtiments
Le secteur résidentiel/tertiaire a émis à hauteur de 19% des émissions nationales, et 28% en considérant les émissions liées à la production d’énergie consommée dans les bâtiments.
Rappel des orientations de la SNBC
- Guider l’évolution du mix énergétique sur la phase d’usage des bâtiments existants et neufs vers une consommation énergétique totalement décarbonée
- Inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire afin d’atteindre un niveau BBC équivalent en moyenne sur l’ensemble du parc
- Accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales
- Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages
Anne Hidalgo propose deux mesures relatives au secteur du bâtiment qui permettent d’inciter à la rénovation énergétique du secteur résidentiel.
Le programme a pour objectif d’atteindre la rénovation énergétique de 760 000 logements privés par an, soit 22 millions de logements à l’horizon 2050. Pour y parvenir, le programme s’appuie sur un dispositif permettant aux propriétaires de rembourser les frais au moment de la cession du bien et dont le montant dépendra du revenu. A cela s’ajoute une mesure qui propose d’encadrer les loyers des logements selon leur performance énergétique, incitant ainsi les propriétaires à la rénovation.
Le rythme de rénovation proposé semble anticiper la trajectoire de rénovation prévue par la SNBC. Cependant, cette mesure est étendue uniquement au secteur résidentiel et pas au secteur tertiaire, dont les émissions correspondent à 38% des émissions du secteur du bâtiment. Il faut également noter que le montant des investissements n’est pas précisé.
Concernant le mix énergétique des bâtiments, la modification du système de production d’énergie vers des énergies décarbonées est implicitement associée à la rénovation énergétique. Cependant, la candidate ne mentionne pas explicitement la priorisation à l’abandon des chaudières au charbon, fioul ou gaz.
De même, une orientation de la SNBC n’est pas couverte dans le programme de la candidate : l’utilisation de matériaux moins carbonés, sujet qui aurait pu être abordé dans la mesure de la construction des logements sociaux.
La couverture des orientations soulevées par la SNBC pour ce secteur est donc partielle.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Anne Hidalgo propose de mener “un grand plan pluriannuel de rénovation énergétique des bâtiments basé sur un nouveau dispositif : aucun frais à avancer au moment des travaux ; le remboursement, dont l’ampleur dépendra du niveau des revenus, se fera au moment de la revente ou de la succession. Ce dispositif permettra la rénovation complète et performante de 760 000 logements privés par an, soit 22 millions de logements d’ici 2050.”
Cette mesure permet d’encourager financièrement les propriétaires à la rénovation énergétique complète de leurs biens et donc à une décarbonation complète des logements rénovés grâce à une réduction de leur consommation énergétique ainsi qu’à l’utilisation de système de production d’énergie décarbonée.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
-4.5 Mt.CO2/an en 2030
-18.0 t.CO2/An en 2050
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La mesure incite à la rénovation des logements pour tous les propriétaires, même les plus modestes et permet d’atteindre les objectifs SNBC de décarbonation du secteur résidentiel.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
En ce qui concerne la mise en œuvre, la candidate ne mentionne pas le montant alloué à ce plan de rénovation énergétique ni l’accompagnement et la formation des professionnels dans ce secteur. Ces lacunes ne permettent pas de quantifier le nombre de logements effectivement rénovés chaque année.
Agriculture
Agriculture
L’agriculture est le 2ème poste d’émission de GES en France (19% avec 86,0 Mt CO2eq ). Si on y ajoute les émissions liées à la transformation agro-alimentaire, l’alimentation représente 24% du total de nos émissions. Celles-ci sont principalement liées à l’élevage bovin, à l’utilisation de fertilisants azotés dans les cultures ainsi qu’à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les tracteurs et chauffer les serres.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation, le contenu de notre assiette doit être modifié (diminution des protéines animales, augmentation des protéines végétales) et le développement de l’agroécologie privilégié (réduction des intrants, optimisation du travail du sol, augmentation du carbone stocké dans les sols).Rappel des orientations de la SNBC
- Réduire les émissions directes et indirectes de N2O et CH4, en s’appuyant sur l’agro-écologie et l’agriculture de précision
- Réduire les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et développer l’usage des énergies renouvelables
- Développer la production d’énergie décarbonée et la bioéconomie pour contribuer à la réduction des émissions de CO2 françaises, et renforcer la valeur ajoutée du secteur agricole
- Stopper le déstockage actuel de carbone des sols agricoles et inverser la tendance, en lien avec l’initiative « 4p1000, les sols pour la sécurité alimentaire et le climat »
- Influencer la demande et la consommation dans les filières agroalimentaires en lien avec le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN)
- Améliorer les méthodologies d’inventaires et de suivi
Anne Hidalgo couvre plusieurs dimensions importantes de l’empreinte carbone de l’agriculture par des mesures favorables à la réduction de celle-ci : elle souhaite sortir de la production d’engrais de synthèse et de pesticides, et développer la captation de carbone dans les sols en luttant contre l’artificialisation et en développant l’agro-écologie. La candidate aborde également l’enjeu important du renouvellement générationnel en agriculture nécessaire à la réalisation des transitions dans le secteur, puisqu’elle propose un soutien à l’installation de jeunes agriculteurs, tout en luttant contre la concentration des terres et l’artificialisation des sols.
Ces mesures doivent permettre d’augmenter la résilience alimentaire tout en encourageant l’agro-écologie et l’agriculture biologique.
Elle souhaite également agir sur les pertes et gaspillages ainsi que sur les modes de consommation alimentaire au niveau européen. Ceci suppose un consensus de tous les pays de l’Union Européenne sur ces sujets, a priori plus difficile et long à atteindre que des lois passées au niveau national.
La transition des régimes alimentaires pour diminuer la part de protéines animales n’est pas proposée par la candidate, celle-ci se contentant de proposer une autonomie en protéines végétales et une stratégie alimentaire au niveau européen, mais ne discutant pas de la proportion des protéines animales et végétales souhaitée dans les régimes alimentaires et des mesures envisagées pour mettre en oeuvre une éventuelle stratégie.
Le sujet de la consommation et de la production d’énergie au sein du secteur agricole n’est pas traité dans le programme de la candidate, qui ne couvre donc que partiellement les objectifs de la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Anne Hidalgo propose de promouvoir, via des aides ciblées, des modèles agro-écologiques autour de la polyculture-élevage, protecteurs de la qualité des sols et de la captation du carbone.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
L’INRAE a estimé que la mise en place de 9 pratiques agroécologiques permettrait de stocker jusqu’à 29,9 Mt CO2eq/an soit 4,5% de l’empreinte carbone de la France et 40% des émissions agricoles.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La mise en place de pratiques agroécologiques a potentiellement un impact significatif sur la captation de GES et les aides financières permettent de les développer. Par ailleurs, ces mesures ont des effets bénéfiques sur la qualité de l’eau, la biodiversité, et permettent de limiter les risques d’érosion des sols qui s’accroissent avec le changement climatique.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
La candidate ne précise pas les mesures agro-écologiques qui seront favorisées. Certaines pratiques, comme la plantation de cultures intermédiaires ou l’agroforesterie, ont plus d’impact que d’autres pour atteindre le potentiel de 30 Mt CO2. En ce qui concerne la mise en œuvre, le déploiement effectif du potentiel dépendra du budget des aides, que la candidate ne précise pas. L’INRAE estime par exemple qu’un budget de 2,6 milliards d’€/an serait nécessaire pour atteindre les 30 Mt CO2/an.
Forêt-Bois
Forêt-Bois
La forêt capte du carbone qui est ensuite stocké dans les sols et dans le bois. Celui-ci n’est libéré dans l’atmosphère que lorsque le bois est brûlé. La politique forestière peut contribuer à la décarbonation en développant les surfaces et la santé des forêts afin qu’elles captent plus de carbone, en développant l’utilisation du matériau bois principalement dans des usages à longue durée de vie comme la construction; et en réservant la valorisation énergétique aux coproduits, aux haies agricoles et aux produits en fin de vie.
Mais la forêt, qui constitue un refuge pour la biodiversité et un puits de carbone considérable, est menacée par le changement climatique. La gestion de nos forêts doit donc trouver le juste équilibre entre une exploitation optimale du bois et une politique de préservation de cet écosystème.Rappel des orientations de la SNBC
- En amont, assurer dans le temps la conservation et le renforcement des puits et des stocks de carbone du secteur forêt-bois, ainsi que leur résilience aux stress climatiques
- Maximiser les effets de substitution et le stockage de carbone dans les produits bois en jouant sur l’offre et la demande
- Evaluer la mise en œuvre des politiques induites et les ajuster régulièrement en conséquence, pour garantir l’atteinte des résultats et des co-bénéfices attendus
Dans son programme, Anne Hidalgo prévoit de renforcer les moyens et fonctions de l’Office national des forêts et du Centre national de la propriété forestière, en établissant un plan de formation des métiers de la filière forêt-bois. Aucune précision n’est donnée, que ce soit en termes de montant alloué, d’objectif chiffré ou de délai de mise en œuvre. Ainsi, même si des mesures sont prévues, on ne peut les analyser au regard des objectifs de la SNBC. Par ailleurs, la candidate ne propose pas de développer l’usage du bois dans le bâtiment, ou d’encadrer son utilisation dans le secteur de l’énergie. La couverture des enjeux de ce secteur par la candidate est donc limitée.
Industrie
Industrie
Le secteur de l’industrie représente 17% des émissions nationales en 2017 (81 Mt CO2 eq), soit bien plus que son poids économique (un peu plus de 10% de la Valeur Ajoutée et des emplois en France).
C’est sur l’industrie lourde que pèse la part principale des efforts à mener. En effet, les trois secteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction représentent à eux seuls 60% des émissions du secteur.
La décarbonation du secteur industriel passe par la mise en œuvre de plusieurs leviers : la sobriété (réduction des emballages plastiques, optimisation des quantités de béton utilisées dans la construction neuve, etc.), le progrès continu (efficacité énergétique, utilisation de sources d’énergie alternatives, augmentation du recyclage, éco-conception, etc.) et la rupture technologique (recours à l’hydrogène produit par électrolyse pour produire des engrais azotés, mise en place du captage et stockage de CO2, etc.).
Rappel des orientations de la SNBC
- Accompagner les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone et le développement de nouvelles filières
- Engager dès aujourd’hui le développement et l’adoption de technologies de rupture pour réduire et si possible supprimer les émissions résiduelles
- Donner un cadre incitant à la maîtrise de la demande en énergie et en matières, en privilégiant les énergies décarbonées et l’économie circulaire
Anne Hidalgo propose un ensemble de mesures à la fois incitatives et normatives pour atteindre une réduction de 50% des émissions de CO2 du secteur à l’horizon 2035, soit -40 Mt CO2eq/an.
Ces mesures sont diverses et complémentaires : un plan de relocalisation des industries les plus stratégiques qui pourra conduire à une réduction variable des émissions de CO2 selon le mix énergétique des pays d’origine des productions relocalisées ; un plan d’urgence de réduction des émissions des sites industriels français avec des mesures d’accompagnement des ETI / PME ; la mise en place d’un fonds de réindustrialisation doté de 3 milliards d’euros ; le renforcement de l’économie circulaire via un taux de TVA réduit pour les produits issus du recyclage ou du réemploi ; une politique de labellisation exigeante pour éviter le “greenwashing” ; enfin, un conditionnement des aides publiques au respect des objectifs de décarbonation.
L’engagement quantitatif de la candidate est cohérent avec les objectifs de la SNBC à l’horizon 2030-2035 mais le programme ne précise pas la trajectoire au-delà de 2035. De plus, la candidate ne présente aucune mesure précise sur la décarbonation des secteurs industriels opérant sur le territoire national et notamment les secteurs fortement émetteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction ; la couverture des objectifs de la SNBC est donc partielle.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Définir un plan de relocalisation des activités économiques, en commençant par les plus stratégiques, de façon à réduire de 50 % les émissions de CO2 du secteur industriel d’ici à 2035 par rapport à 2015.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050
-40 Mt CO2/an en 2035
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Au-delà des avantages géostratégiques de la relocalisation d’activités essentielles à l’économie, la relocalisation aurait un impact positif sur les émissions de CO2 du fait de la moindre carbonation de l’énergie française.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure ne présente pas d’inconvénient majeur mais des points d’attention importants existent quant à sa faisabilité en termes de capacité technologique (formation, compétences, savoir-faire) et en termes d’investissements / subventions et de respect des traités internationaux (OMC, UE…).
Production d’énergie
Production d’énergie
Le secteur de la production d’énergie est responsable d’environ 10% des émissions françaises de GES. En France, ces émissions sont essentiellement dues à la production d’électricité et de chaleur (plus de 50%), au raffinage du pétrole et au traitement des combustibles solides (charbon).
Si la production d’électricité française est peu carbonée par rapport à ses voisins européens en raison de son origine majoritairement nucléaire, sa décarbonation complète demeure un enjeu important, notamment dans un contexte de baisse de la part du nucléaire et de forte augmentation de la production issue d’énergies renouvelables.
Rappel des orientations de la SNBC
- Décarboner et diversifier le mix énergétique notamment via le développement des énergies renouvelables (chaleur décarbonée, biomasse et électricité décarbonée)
- Maîtriser la demande via l’efficacité énergétique et la sobriété et lisser la courbe de demande électrique en atténuant les pointes de consommation saisonnières et journalières
- Préciser les options pour mieux éclairer les choix structurants de long terme, notamment le devenir des réseaux de gaz et de chaleur
Les mesures proposées par Anne Hidalgo concernant le mix électrique sont fortement alignées avec la SNBC ; en particulier, la candidate prévoit une “autonomie énergétique décarbonée”en 2050.
Les mesures apparaissent réalistes mais sont peu précises. En particulier, le déploiement des énergies renouvelables (solaire, éolien, biogaz) nécessaire à une sortie du nucléaire n’est pas précisé en termes d’horizon temporel et de moyen de financement associé. La candidate précise que la sortie du nucléaire se fera “aussi rapidement qu’il sera possible de le faire”. Il est à noter sur cela que la Programmation Pluriannuelle de l’Energie et la SNBC ont repoussé l’objectif de réduction à 50% de nucléaire de 2025 à 2035 à la lumière de l’évaluation des scénarios.
Une mesure visant à baisser le prix de l’énergie pour tous les particuliers (sans distinction de revenus) est envisagée, pouvant avoir un effet rebond antagoniste contraire à la trajectoire de la SNBC.
La couverture des enjeux de ce secteur par la candidate reste donc partielle.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Le programme vise à parvenir à 100% d’énergie renouvelables “aussi rapidement qu’il sera possible de le faire”, avec le nucléaire existant maintenu comme “énergie de transition”, sous le contrôle de l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN). Aucune construction de nouveau réacteur n’est envisagée.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
Aucun horizon temporel n’est indiqué dans cette mesure. Néanmoins, l’impact potentiel est très important à terme : selon RTE le potentiel de réduction est d’environ 370 Mt CO2e/an, soit 80% des émissions nationales en 2018 (puits de carbone non comptabilisés).
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La volonté d’utilisation de l’énergie nucléaire en tant qu’énergie de transition est de nature, si le prolongement des réacteurs nécessaires est validé par l’ASN, à diminuer les risques d’un scénario 100% renouvelable.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure est peu détaillée, tant sur l’horizon temporel que sur les modalités de la transition.
Déchets
Déchets
Le secteur des déchets représente environ 3% des émissions GES nationales dont une très grande partie est liée à l’émission de méthane par l’enfouissement des déchets et les installations de traitement d’eau usées. Au-delà des GES, la limitation de la production de déchets a des effets positifs sur d’autres secteurs (bâtiment, industrie etc) et initie un mouvement vers une société bas carbone sobre et circulaire.
Rappel des orientations de la SNBC
- Inciter l’ensemble des acteurs à une réduction de leurs déchets
- Inciter les producteurs à prévenir la production de déchets dès la phase de conception des produits
- Améliorer la collecte et la gestion des déchets en développant la valorisation et en améliorant l’efficacité des filières de traitement
Quelques propositions du programme d’Anne Hidalgo ont trait à l’économie circulaire et visent à en développer l’attractivité économique avec une réduction du taux de TVA, en agissant à la fois au niveau national et au niveau européen. Cette baisse serait applicable aux produits recyclés, reconditionnés ou réemployés. L’économie circulaire serait favorisée dans la commande publique. La lutte contre le gaspillage alimentaire, objectif de la SNBC, est également mentionnée mais Anne Hidalgo propose d’agir au niveau européen uniquement. Le fait de se placer au niveau européen sur certaines problématiques rend la mise en œuvre de ces mesures plus incertaine du fait des accords à obtenir que cela implique.
La candidate ne mentionne pas d’initiatives sur les recommandations de la SNBC de valorisation des déchets organiques ainsi qu’en matière de lutte contre les émissions de méthane issues des centrales de traitement d’eau usées ou de limitation de la production des déchets en incitant à l’éco-conception des produits ; la couverture des objectifs de la SNBC est donc partielle.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Le programme prévoit de renforcer la filière de l’économie circulaire en mettant en place un taux de TVA réduit sur les produits issus du recyclage et du réemploi, en relançant véritablement le Fonds réemploi solidaire et en lançant un grand plan de développement des achats publics circulaires avec les collectivités.
L’impact de cette mesure est difficile à chiffrer car elle est de type incitatif.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure se base sur des éléments déjà existants (fiscalité, fonds réemploi solidaire, commande publique) et donc moins complexes à mettre en place que d’autres propositions plus ambitieuses.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Ces mesures sont peu précises dans les ambitions mises en avant : quel taux de TVA, quelle relance des fonds, quels leviers pour la commande publique ?