Eric ZEMMOUR
Synthèse de la couverture de la SNBC par le programme
Dans son programme, Eric Zemmour n’annonce pas d’objectif de décarbonation mais essentiellement un focus sur le mix électrique avec un développement fort du nucléaire. Les mesures proposées ne couvrent les secteurs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) que de façon très partielle et certaines mesures telles que le soutien à la voiture individuelle peuvent être jugées contre-productives sur les objectifs de décarbonation.
Le programme comporte plusieurs axes cohérents avec la SNBC en matière de décarbonation :
- L’axe fort du programme tient dans l’accent mis sur le nucléaire, que ce soit la prolongation du parc existant, la construction de 14 EPR ou la recherche pour le nucléaire de 4ème génération.
- Les propositions de réindustrialisation et de préférence des fournisseurs français conduisent à une décarbonation effective, dans la mesure où le mix énergétique français est moins carboné que celui de bon nombre de nos partenaires commerciaux.
- Le programme propose de mettre en œuvre une taxe carbone aux frontières.
- Les circuits courts associés à une barrière aux frontières orientent la production agricole vers une consommation alimentaire nationale, réduisant de fait les émissions liées aux transports.
- Le développement des transports décarbonés diminue également les émissions liées au transport.
- L’accent mis sur la ruralité peut améliorer le bilan de l’artificialisation des sols. Toutefois, aucune mention n’est faite au sujet de la baisse de l’artificialisation nette ni de la mobilisation du bâti vacant, il est donc légitime de douter du bilan carbone résultant.
- La volonté d’investir dans l’isolation des bâtiments résidentiels et industriels améliore leurs émissions de GES.
Cependant, le programme comporte aussi des lacunes au regard de la SNBC :
- Plusieurs axes de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) sont absents : décarbonation industrielle, recherche et innovation, enseignement…
- Par ailleurs, la stratégie ENR du candidat manque de détail et il est possible de s’interroger sur la viabilité d’un programme se privant de l’éolien, la SNBC prévoyant dans tous les cas une augmentation de la part des ENR dans la consommation finale brute d’énergie (qui ne pourra être atteinte par le seul développement de la géothermie et de la biomasse).
- La réduction de l’usage des énergies fossiles n’est pas présente. De même, l’efficacité énergétique et la sobriété sont peu mentionnées.
A l’opposé, le programme comporte des mesures allant à l’encontre de la SNBC :
- L’objectif affiché de garantir un accès large et au meilleur prix de l’énergie, aura des effets dissuasifs sur la transition énergétique et les volontés d’investissements visant à l’efficacité énergétique.
- La proposition visant à faire rembourser par les employeurs 50% des frais de carburant pour les trajets domicile-travail va largement à rebours de la dissuasion par les prix recommandée par la SNBC.
- De manière générale, les nombreuses mesures visant à favoriser les voitures vont à l’encontre de l’objectif de diminuer sa part modale.
Plusieurs mesures annoncées auront un impact difficile à estimer, qu’il soit positif ou négatif. Par exemple, le désenclavement des bourgs est envisagé au moyen de transports en commun routiers. Une unique mention du développement de l’électricité et de l’hydrogène est faite, sans aucune référence aux mobilités douces, à la baisse de l’usage de la voiture ni même à la sortie des carburants fossiles pour celle-ci.
De manière générale, le programme mise beaucoup sur des technologies qui ne sont pas immédiatement disponibles, comme les réacteurs nucléaires EPR de seconde et de quatrième génération ou les transports à l’hydrogène. La sobriété n’est pas une considération abordée par le programme, qui ne présente pas de trajectoire de décarbonation organisée et planifiée.
Focus par secteurs et mesures phares
Orientations transversales
Gouvernance et mise en œuvre
Gouvernance et mise en œuvre
Rappel des orientations de la SNBC
- Assurer la cohérence de l’ensemble des politiques publiques nationales avec la stratégie nationale bas-carbone
- Développer des modalités de gouvernance facilitant la mise en œuvre territoriale de l’objectif de neutralité carbone
- Développer une offre de données permettant la comparaison des trajectoires de transition territoriales avec la trajectoire nationale
À l’échelle nationale, rien n’est proposé par Eric Zemmour pour renforcer la cohérence ou l’évaluation de l’ensemble des politiques publiques nationales vis-à-vis des objectifs de décarbonation, conformément aux orientations de la SNBC. Seuls les marchés publics sont concernés, et les critères prévus par le candidat (fabrication française) n’impliquent pas nécessairement la décarbonation.
Aucune mention n’est faite de l’évaluation des politiques publiques. De même, le programme n’offre pas d’indications sur l’implication des territoires, échelle d’action pourtant plébiscitée par la SNBC.
Empreinte-Carbone
Empreinte-Carbone
Pour mémoire, en 2018 l’empreinte carbone est 1,8 fois plus importante que les émissions territoriales avec une tendance à l’augmentation des émissions importées, au contraire des émissions territoriales qui diminuent.
Rappel des orientations de la SNBC
- Mieux maîtriser le contenu carbone des produits importés
- Encourager tous les acteurs économiques à une meilleure maîtrise de leur empreinte carbone
La maîtrise de l’empreinte carbone proposée par Eric Zemmour repose principalement sur la relocalisation de bon nombre de productions en France. Ces mesures peuvent avoir un impact positif sur l’empreinte carbone de par le mix énergétique français moins carboné que celui de nos partenaires commerciaux. Il propose également la mise en place d’une taxe carbone aux frontières européennes telle que préconisée par la SNBC.
Toutefois, Eric Zemmour souhaite mettre fin à la participation de la France aux traités de libre échange sans proposer d’alternative afin d’inciter à la prise en compte de la dimension climatique par les acteurs internationaux. Il ne propose pas non plus d’initiative qui permettrait d’aller dans le sens d’une tarification mondiale du carbone, et qui s’appliquerait donc plus généralement à tous les acteurs, partenaires de la France ou non.
Enfin, l’évaluation de l’empreinte carbone par les acteurs publics ou privés n’est pas évoquée, et la sensibilisation des citoyens à ces enjeux se ferait de manière insuffisante puisque seule la provenance française du produit serait précisée.
Les propositions d’Eric Zemmour permettent donc une meilleure prise en compte de l’empreinte carbone par les acteurs économiques nationaux ou européens mais ne cible pas les acteurs internationaux. Elles couvrent donc de manière limitée les préconisations de la SNBC.
Politique Économique
Politique Économique
L’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) évalue à 45,7 Mds€ les dépenses d’investissements publics et privés en faveur du climat en France en 2018 et estime que 32 à 41 Mds€ supplémentaires par an seraient nécessaires pour atteindre le budget carbone pour la période 2024-2028.
Rappel des orientations de la SNBC
- Adresser les bons signaux aux investisseurs, notamment en termes de prix du carbone, et leur donner la visibilité nécessaire sur les politiques climatiques.
- Assurer une transition juste pour tous.
- Soutenir les actions européennes et internationales en matière de finance et de prix du carbone cohérents avec l’accord de Paris.
- Favoriser les investissements dans des projets favorables à la transition bas-carbone, en développant les outils financiers permettant de limiter la prise de risque des investisseurs et en définissant des critères robustes pour déterminer quels sont les projets favorables à la transition bas-carbone.
- Développer l’analyse des impacts climatiques des actions financées par les fonds publics et des politiques publiques, afin d’en faire un critère de décision. S’assurer que les actions contraires à l’atteinte de nos objectifs climatiques ne bénéficient pas de financement public.
Eric Zemmour soutient la mise en place rapide de la taxe carbone aux frontières européennes. Une autre de ses propositions est de privilégier les produits français pour la commande publique. Cela peut permettre de diminuer l’empreinte carbone de la France si l’on produit de façon décarbonée, mais l’ampleur est difficile à estimer.
De l’autre côté, le soutien aux investissements publics et privés vers les projets de la transition énergétique est ambivalent, avec des domaines favorisés (nucléaire, géothermie, réseaux de chaleur et pompes à chaleur) et d’autres entravés (solaire et éolien). Il n’est pas fait mention de moyens financiers significatifs, qu’ils soient privés ou publics, nécessaires à la transformation de notre économie.
Enfin, deux points majeurs ne sont pas envisagés par le candidat : la suppression des soutiens financiers publics et privés aux projets allant à l’encontre de la réduction des émissions de GES et l’aspect solidaire de la transition énergétique.
Eric Zemmour n’utilise donc pas les leviers proposés par la SNBC pour réorienter les flux financiers publics et privés vers une transition écologique et solidaire.
Recherche et Innovation
Recherche et Innovation
Rappel des orientations de la SNBC
- Développer les innovations bas-carbone et faciliter leur diffusion rapide, en s’appuyant sur la recherche fondamentale et appliquée
Le candidat propose de porter le budget de la recherche à 3% du PIB, mais la seule mesure liée à la recherche et l’innovation pertinente pour la SNBC dans le programme d’Eric Zemmour est liée à l’énergie nucléaire. Il souhaite relancer la recherche pour les réacteurs nucléaires de quatrième génération (programme ASTRID) et soutenir la recherche en fusion nucléaire. Bien que ces axes de recherche soient cohérents avec le besoin de production d’énergie bas carbone, ils ne couvrent donc l’ensemble des enjeux en recherche et développement présents dans la SNBC, dont des recherches sur les procédés industriels, pratiques agricoles, gestion forestière et des sols…), mais aussi sur l’innovation sociale et organisationnelle.
Urbanisme et Aménagement
Urbanisme et Aménagement
Rappel des orientations de la SNBC
- Contenir l’artificialisation des sols et réduire les émissions de carbone induites par l’urbanisation
La question de l’artificialisation des sols n’est abordée que dans la partie de revitalisation de la ruralité du programme d’Éric Zemmour. Le candidat propose d’interdire la construction de nouvelles grandes surfaces et zones commerciales à l’entrée des villes et des villages, afin de favoriser les artisans et les commerçants, de relocaliser les emplois et d’améliorer l’accès aux réseaux de télécommunication et de transport pour favoriser l’émergence d’activités économique en zone rurale. L’impact de ces mesures sur l’artificialisation des sols ne sera favorable que si l’accent est mis sur la rénovation du bâti existant en évitant au possible les constructions neuves sur des sols non artificialisés.
De plus, l’abrogation de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), qui avait pour objectif d’encadrer le droit de l’urbanisme et du logement en France, remet en question les aménagements urbains effectués ces 20 dernières années, avec un risque notoire sur le respect de la trajectoire fixée par la SNBC.
En l’état, les problématiques d’urbanisme et d’aménagement ne sont donc pas adressées par le candidat.
Education et sensibilisation
Education et sensibilisation
Rappel des orientations de la SNBC
- Enrichir et partager une culture du « bas-carbone »
- Accompagner les citoyens dans leur propre transition bas-carbone
- S’assurer de l’acceptabilité sociale des mesures de politique publique découlant de la SNBC
Eric Zemmour ne propose aucune mesure ayant pour but d’atteindre les objectifs de la SNBC pour éduquer, sensibiliser et accompagner les citoyens dans leur transition vers un mode de vie bas-carbone, exception faite de la mise en place d’un étiquetage pour indiquer la provenance française des produits de consommation qui ne couvre que de manière limitée les objectifs de la SNBC.
Emploi et Formation Professionnelle
Emploi et Formation Professionnelle
Rappel des orientations de la SNBC
- Encourager une meilleure intégration des enjeux de la transition bas-carbone par les branches, les entreprises et les territoires pour favoriser les transitions et reconversions professionnelles et le développement des emplois de demain
- Adapter l’appareil de formation initiale et continue pour accompagner la transformation des activités et des territoires
Le programme d’Éric Zemmour ne prévoit aucune mesure concernant l’emploi et la formation professionnelles en relation avec la transition bas carbone de l’économie.
Seul le secteur agricole fait l’objet d’une mesure touchant à l’emploi par l’encouragement à l’installation de nouveaux producteurs. Dans certaines exploitations une réduction des besoins en main-d’œuvre est à anticiper avec les moyens de financement accordés à « l’innovation en robotique agricole ».
Par ailleurs, le candidat propose de rattacher les lycées professionnels au ministère de l’industrie pour que les formations initiales répondent mieux aux besoins de l’industrie, mais rien n’indique que l’industrie elle-même se prépare à la décarbonation dans le programme du candidat.
Orientations sectorielles
Transports
Transports
Le secteur des transports est le premier émetteur de GES en France (environ un tiers des émissions). Ce secteur présente une grande dépendance au pétrole (95% de sa consommation).
Pour décarboner le secteur, qui englobe à la fois le transport de voyageurs et de marchandises, les mesures liées à la technologie (électrification ou passage à des carburants bas carbone) ne suffiront pas. Des mesures d’efficacité énergétique des véhicules et de sobriété (limitation de l’augmentation de la demande, utilisation des transports en commun, du covoiturage, du vélo…) devront être combinées pour atteindre cet objectif.
Rappel des orientations de la SNBC
- Donner au secteur des signaux prix incitatifs
- Fixer des objectifs clairs et cohérents avec les objectifs visés pour la transition énergétique des parcs
- Accompagner l’évolution des flottes pour tous les modes de transport
- Soutenir les collectivités locales et les entreprises dans la mise en place d’initiatives innovantes
- Encourager au report modal en soutenant les mobilités actives et les transports massifiés et collectifs (fret et voyageurs) et en développant l’intermodalité
- Maîtriser la hausse de la demande de transport
Le programme d’Éric Zemmour comporte plusieurs mesures alignées avec la SNBC. Il souhaite notamment développer l’offre de transport en zone rurale en ayant recours aux transports en commun et aux trains de proximité, et propose une transition vers les véhicules électriques et l’hydrogène.
Sa proposition de biocarburant pour l’aviation va dans le sens de la décarbonation mais la question de la disponibilité de ces carburants en quantité suffisante se pose pour leur généralisation.
Par ailleurs, les mesures de relocalisation des activités en zone rurale et d’augmentation du télétravail sont de nature à baisser les besoins de déplacement.
A l’opposé, plusieurs de ses propositions auront un impact néfaste sur les émissions. La suppression de certaines réglementations (fin des zones à faibles émissions, fin des zones 30 en ville, passage à 90 km/h sur routes départementales, suppression du permis à point…) induit un effet rebond sur la consommation.
En ignorant toute mesure pour les mobilités urbaines (transports en commun et mobilités douces), et avec des mesures contraires à la décarbonation, le programme ne couvre que de manière limitée les objectifs de ce domaine de la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Le candidat propose de développer l’usage de l’électricité et de l’hydrogène dans les transports en commun. Cette mesure permettrait de décarboner les transports collectifs routiers (bus et autocar) qui émettent actuellement plus de 5 MtCO2eq par an.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
L’électricité est un vecteur énergétique intéressant pour les bus, du fait de leurs trajets courts et de leurs arrêts fréquents qui permettent des recharges partielles au cours de l’itinéraire. L’hydrogène permet par ailleurs une recharge presque immédiate.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Aucun objectif chiffré ni de levier de mise en œuvre ne sont annoncés. Rien n’est évoqué concernant les infrastructures de recharge nécessaires à installer sur tout le territoire. Par ailleurs, l’hydrogène dans les applications de transports en commun restera moins efficace que les solutions à batteries.
Bâtiments
Bâtiments
Le secteur résidentiel/tertiaire a émis à hauteur de 19% des émissions nationales, et 28% en considérant les émissions liées à la production d’énergie consommée dans les bâtiments.
Rappel des orientations de la SNBC
- Guider l’évolution du mix énergétique sur la phase d’usage des bâtiments existants et neufs vers une consommation énergétique totalement décarbonée
- Inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire afin d’atteindre un niveau BBC équivalent en moyenne sur l’ensemble du parc
- Accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales
- Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages
Eric Zemmour propose une seule mesure concernant le secteur du bâtiment. Il s’agit d’“investir dans l’isolation des bâtiments résidentiels et industriels”. Cette mesure suit les orientations de la SNBC, toutefois ni les montants des aides financières, ni l’échelle temporelle ne sont spécifiés, il est donc difficile d’évaluer le respect des objectifs de diminution de GES à propos de la rénovation.
La mesure visant à réduire les normes de construction sans plus de précision peut à contrario faire craindre une baisse de l’exigence en matière énergétique ou de limitation de l’artificialisation des sols.
Par ailleurs, la question du mix énergétique pour le chauffage des bâtiments tel que l’abandon des chaudières au charbon/fioul et gaz ainsi que l’utilisation de matériaux moins carbonés pour la rénovation ou la construction ne sont pas mentionnés dans le programme du candidat. La couverture de cet objectif de la SNBC par Éric Zemmour est donc limitée.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Éric Zemmour propose d’investir dans l’isolation des bâtiments résidentiels et industriels. Cette mesure permettrait de réduire drastiquement les besoins énergétiques des bâtiments et donc les émissions de GES jusqu’à 78% de ceux rénovés.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
-18 MtCO2/an en 2050 en prenant l’hypothèse que 60% des bâtiments sont isolés d’ici à 2050 (préconisation SNBC).
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
L’application de la mesure s’étend sur tout le parc de bâtiments français et ne se focalise pas uniquement sur le secteur du logement résidentiel.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Aborder uniquement l’isolation des bâtiments ne permet de diminuer que de 78% les émissions de GES du bâti rénové. Une rénovation totale permettrait de décarboner complètement ce domaine.
Par ailleurs, le fait que ni le montant des aides, ni la formation des professionnels du secteur ne soient spécifiés rend la quantification de la mesure difficile à évaluer.
Agriculture
Agriculture
L’agriculture est le 2ème poste d’émission de GES en France (19% avec 86,0 Mt CO2eq ). Si on y ajoute les émissions liées à la transformation agro-alimentaire, l’alimentation représente 24% du total de nos émissions. Celles-ci sont principalement liées à l’élevage bovin, à l’utilisation de fertilisants azotés dans les cultures ainsi qu’à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les tracteurs et chauffer les serres.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation, le contenu de notre assiette doit être modifié (diminution des protéines animales, augmentation des protéines végétales) et le développement de l’agroécologie privilégié (réduction des intrants, optimisation du travail du sol, augmentation du carbone stocké dans les sols).Rappel des orientations de la SNBC
- Réduire les émissions directes et indirectes de N2O et CH4, en s’appuyant sur l’agro-écologie et l’agriculture de précision
- Réduire les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et développer l’usage des énergies renouvelables
- Développer la production d’énergie décarbonée et la bioéconomie pour contribuer à la réduction des émissions de CO2 françaises, et renforcer la valeur ajoutée du secteur agricole
- Stopper le déstockage actuel de carbone des sols agricoles et inverser la tendance, en lien avec l’initiative « 4p1000, les sols pour la sécurité alimentaire et le climat »
- Influencer la demande et la consommation dans les filières agroalimentaires en lien avec le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN)
- Améliorer les méthodologies d’inventaires et de suivi
Les mesures proposées par Éric Zemmour n’abordent pas les enjeux clés pour la décarbonation de l’agriculture : part des protéines animales dans les régimes alimentaires, utilisation d’engrais, consommation énergétique des exploitations… Seule la consommation d’énergie pour transporter les marchandises agricoles est abordée via la mise en avant des circuits courts et la relocalisation de la production agricole en France.
Dans l’ensemble, le programme ne couvre donc les objectifs de la SNBC que de manière limitée pour ce secteur, aucune des recommandations de la SNBC concernant l’agroécologie ou la diminution de la part carnée de l’alimentation ne figurant à son programme.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Éric Zemmour propose de privilégier les circuits courts pour la distribution de la production agricole en augmentant la part de produits locaux dans la restauration collective. Cette mesure a un potentiel impact de maximum 3Mt CO2/an soit un maximum de 0,5% de l’empreinte carbone de la France si 100% des repas de restauration collective étaient issus de produits dont le transport serait neutre en carbone.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
< 3Mt.CO2/an.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
La mesure présente l’avantage de constituer un effet de levier via la restauration collective qui peut favoriser les filières de proximité et leur permettre d’émerger, y compris pour la consommation à domicile.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Le programme du candidat ne couvre pas la consommation hors restauration collective qui représente pourtant près de 90% des repas consommés.
Pour permettre aux circuits courts d’être réellement favorables, il faut veiller à une certaine optimisation logistique qui n’est pas discutée par le candidat.
Forêt-Bois
Forêt-Bois
La forêt capte du carbone qui est ensuite stocké dans les sols et dans le bois. Celui-ci n’est libéré dans l’atmosphère que lorsque le bois est brûlé. La politique forestière peut contribuer à la décarbonation en développant les surfaces et la santé des forêts afin qu’elles captent plus de carbone, en développant l’utilisation du matériau bois principalement dans des usages à longue durée de vie comme la construction; et en réservant la valorisation énergétique aux coproduits, aux haies agricoles et aux produits en fin de vie.
Mais la forêt, qui constitue un refuge pour la biodiversité et un puits de carbone considérable, est menacée par le changement climatique. La gestion de nos forêts doit donc trouver le juste équilibre entre une exploitation optimale du bois et une politique de préservation de cet écosystème.Rappel des orientations de la SNBC
- En amont, assurer dans le temps la conservation et le renforcement des puits et des stocks de carbone du secteur forêt-bois, ainsi que leur résilience aux stress climatiques
- Maximiser les effets de substitution et le stockage de carbone dans les produits bois en jouant sur l’offre et la demande
- Evaluer la mise en œuvre des politiques induites et les ajuster régulièrement en conséquence, pour garantir l’atteinte des résultats et des co-bénéfices attendus
Éric Zemmour ne propose pas de mesure concrète concernant le secteur forêt-bois. Il mentionne simplement l’établissement d’une “stratégie forestière nationale“ pour le reboisement et l’adaptation au changement climatique. Le candidat ne propose pas de développer l’usage du bois dans le bâtiment, ou d’encadrer son utilisation dans le secteur de l’énergie. Ce n’est donc pas un programme concret ni aligné avec les objectifs fixés par la SNBC.
Industrie
Industrie
Le secteur de l’industrie représente 17% des émissions nationales en 2017 (81 Mt CO2 eq), soit bien plus que son poids économique (un peu plus de 10% de la Valeur Ajoutée et des emplois en France).
C’est sur l’industrie lourde que pèse la part principale des efforts à mener. En effet, les trois secteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction représentent à eux seuls 60% des émissions du secteur.
La décarbonation du secteur industriel passe par la mise en œuvre de plusieurs leviers : la sobriété (réduction des emballages plastiques, optimisation des quantités de béton utilisées dans la construction neuve, etc.), le progrès continu (efficacité énergétique, utilisation de sources d’énergie alternatives, augmentation du recyclage, éco-conception, etc.) et la rupture technologique (recours à l’hydrogène produit par électrolyse pour produire des engrais azotés, mise en place du captage et stockage de CO2, etc.).
Rappel des orientations de la SNBC
- Accompagner les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone et le développement de nouvelles filières
- Engager dès aujourd’hui le développement et l’adoption de technologies de rupture pour réduire et si possible supprimer les émissions résiduelles
- Donner un cadre incitant à la maîtrise de la demande en énergie et en matières, en privilégiant les énergies décarbonées et l’économie circulaire
Le candidat propose principalement une politique de réindustrialisation et de rapatriement d’industries en France. Ces mesures peuvent avoir un impact positif sur l’empreinte carbone de part le mix énergétique français moins carboné que celui de nos partenaires commerciaux.
Toutefois, en l’état, ces mesures ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une stratégie industrielle bas-carbone visant une transformation en profondeur de l’industrie. Ainsi, le candidat ne présente aucune mesure précise sur la décarbonation des secteurs industriels opérant déjà sur le territoire national et notamment les secteurs fortement émetteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction.
Son autre proposition d’allègements fiscaux pour les entreprises n’étant pas conditionnée à des objectifs climatiques, on peut craindre qu’il n’y ait pas d’effet positif sur la décarbonation.
Les objectifs de la SNBC pour ce secteur sont couverts de manière limitée par Eric Zemmour.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Eric Zemmour propose de conduire une politique de réindustrialisation basée sur la baisse des impôts de production, la constitution de champions français et une incitation forte des consommateurs et de la commande publique à favoriser les fournisseurs nationaux.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Diminuer les importations à contenu carbone élevé du fait de relocalisations devrait avoir un effet globalement positif pour l’empreinte carbone de la France. En effet, le mix énergétique français est en général moins carboné que celui des principaux pays producteurs de matériaux et de biens dans le monde. La relocalisation de moyens de production permettra à des produits locaux moins carbonés de remplacer des importations à contenu carbone élevé.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure ne présente pas d’inconvénient en soi mais le candidat ne donne aucune indication sur les secteurs à prioriser ni sur un quelconque objectif de décarbonation. Il est donc impossible de quantifier l’impact de cette mesure.
Production d’énergie
Production d’énergie
Le secteur de la production d’énergie est responsable d’environ 10% des émissions françaises de GES. En France, ces émissions sont essentiellement dues à la production d’électricité et de chaleur (plus de 50%), au raffinage du pétrole et au traitement des combustibles solides (charbon).
Si la production d’électricité française est peu carbonée par rapport à ses voisins européens en raison de son origine majoritairement nucléaire, sa décarbonation complète demeure un enjeu important, notamment dans un contexte de baisse de la part du nucléaire et de forte augmentation de la production issue d’énergies renouvelables.
Rappel des orientations de la SNBC
- Décarboner et diversifier le mix énergétique notamment via le développement des énergies renouvelables (chaleur décarbonée, biomasse et électricité décarbonée)
- Maîtriser la demande via l’efficacité énergétique et la sobriété et lisser la courbe de demande électrique en atténuant les pointes de consommation saisonnières et journalières
- Préciser les options pour mieux éclairer les choix structurants de long terme, notamment le devenir des réseaux de gaz et de chaleur
Le programme d’Eric Zemmour dans le domaine insiste sur la production d’électricité, puisque sa politique de décarbonation des transports et de l’industrie repose largement dessus.
Sa mesure principale concerne la production d’électricité. Elle consiste en une relance très forte du nucléaire (14 nouveaux EPR à horizon 2050, prolongation au-delà de 60 ans du parc existant , relance du projet de recherche ASTRID ) et un désengagement conséquent du photovoltaïque et surtout de l’éolien.
Le rejet affiché des ENR principales (photovoltaïque et éolien terrestre) semble incompatible avec la SNBC qui vise au contraire une diversification du mix qui est indispensable pour envisager une décarbonation du secteur. Ce rejet s’oppose par ailleurs à tous les travaux de prospective récents sur le mix électrique en 2050 . En particulier, la trajectoire d’une relance maximale de la filière nucléaire du scénario de référence de RTE prévoit une multiplication par 2,5 (par rapport à aujourd’hui) des capacités éoliennes terrestres. Cela interroge sur la capacité de cette stratégie à fournir suffisamment d’énergie pour satisfaire la demande.
Le développement de la géothermie et de la biomasse, envisagé dans le programme, correspond bien à une orientation de la SNBC. Néanmoins, ces énergies (en tant que sources de chaleur et d’électricité) ne seront pas suffisantes (avec le nucléaire seul) pour établir un mix électrique décarboné en adéquation avec les recommandations à l’horizon 2050 si les autres ENR sont totalement écartées.
Les mesures proposées par Eric Zemmour pour la décarbonation du secteur de la production d’énergie en France couvrent donc de façon limitée la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Eric Zemmour propose de lancer la construction de 14 réacteurs nucléaires de 3e génération à horizon 2050 et un désengagement conséquent du photovoltaïque et de l’éolien. Cette mesure de relance forte du nucléaire correspond au maximum de ce que la filière nucléaire pourra construire à horizon 2050, comme le précise RTE . Dans le scénario de référence RTE, cette mesure permettrait de décarboner environ 22% de la production électrique. Ce scénario respecte la trajectoire SNBC. S’il suppose un fort gain en efficacité énergétique à horizon 2050, l’ordre de grandeur de l’impact de cette mesure n’est pas garanti.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure est ambitieuse au regard des capacités actuelles de la filière nucléaire mais réaliste.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Le non recours aux ENR ne permettra sans doute pas d’atteindre une décarbonation de la production d’électricité à horizon 2050. En effet, de l’aveu même de la filière nucléaire, la part du nucléaire dans le mix électrique ne pourra que décliner d’ici à 2050, même dans un scénario de relance maximale.
Déchets
Déchets
Le secteur des déchets représente environ 3% des émissions GES nationales dont une très grande partie est liée à l’émission de méthane par l’enfouissement des déchets et les installations de traitement d’eau usées. Au-delà des GES, la limitation de la production de déchets a des effets positifs sur d’autres secteurs (bâtiment, industrie etc) et initie un mouvement vers une société bas carbone sobre et circulaire.
Rappel des orientations de la SNBC
- Inciter l’ensemble des acteurs à une réduction de leurs déchets
- Inciter les producteurs à prévenir la production de déchets dès la phase de conception des produits
- Améliorer la collecte et la gestion des déchets en développant la valorisation et en améliorant l’efficacité des filières de traitement
Eric Zemmour propose de faire émerger une filière industrielle de recyclage des plastiques, ce qui permettrait de compléter les dispositions déjà existantes pour une partie des plastiques. Cette proposition fixe un objectif élevé de recyclage de 50% du plastique à l’horizon 2025 sans être étayée par les conditions de sa mise en place (notamment sur les investissements nécessaires), aux acteurs qui en auront la charge et aux technologies à mettre en œuvre (si elles existent).
Le programme du candidat prévoit également des mesures de préférence nationale pour les produits et pour la commande publique sans mettre en avant l’économie circulaire et le recyclage de certaines matières.
Le candidat ne mentionne pas d’initiatives sur les recommandations de la SNBC de valorisation des déchets organiques ainsi qu’en matière de lutte contre les émissions de méthane issues des centrales de traitement d’eau usées ou de limitation de la production des déchets en incitant à l’éco-conception des produits.
Son programme ne couvre donc les orientations de la SNBC que de manière limitée.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Eric Zemmour propose de faire émerger une véritable filière industrielle dans le recyclage des plastiques afin d’atteindre l’objectif de 50 % de volumes recyclés à l’horizon 2025. Le programme d’Eric Zemmour est peu précis dans les conditions de la mise en œuvre de cette mesure. Il est donc difficile d’estimer son impact précis, malgré les enjeux importants en termes de consommation de ressources et de pollution générée par la fin de vie de cette matière.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Il existe déjà une filière industrielle de recyclage du plastique en France. Un renforcement de cette filière pourrait être plus facile à mettre en œuvre plutôt qu’une création ex nihilo. Un meilleur recyclage des plastiques permettrait de diminuer la consommation de matières premières, notamment de pétrole dont ils sont issus, mais aussi d’énergie et de limiter les impacts de pollution en fin de vie.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure ne détaille pas les leviers pour renforcer cette filière qui existe déjà. Elle n’évoque pas non plus les enjeux liés à l’invention de technologies permettant de recycler le ou les différents plastiques, toujours en recherche aujourd’hui. De plus, elle met l’accent sur le recyclage uniquement sans prendre en compte la limitation de la mise sur le marché de ces matières.