Industrie

Les enjeux du secteur 

Le secteur de l’industrie représentait 17% des émissions nationales en 2017 (81 Mt CO2 eq), soit bien plus que son poids économique (un peu plus de 10% de la Valeur Ajoutée et des emplois en France). Ces émissions ont fortement baissé entre 1990 et 2017 (-44% sur la période) principalement grâce aux efforts menés par le secteur de la chimie.

Le secteur de l’industrie regroupe les filières extractives, de première transformation et manufacturières. On retrouve ainsi l’industrie lourde avec les filières de la sidérurgie, des matériaux de construction (principalement le ciment) et de la chimie ainsi que l’industrie manufacturière qui transforme les produits de l’industrie lourde pour tous les secteurs de l’économie.

Les émissions liées à l’industrie sont dues pour partie à la combustion d’énergie nécessaire à la production industrielle (64 % en 2017) et pour partie aux procédés industriels proprement dits (36 % en 2017).

C’est sur l’industrie lourde que pèse très nettement la principale part des efforts à mener. La chimie, la métallurgie (principalement la sidérurgie, c’est-à-dire la production d’acier) et l’industrie des matériaux de construction (principalement le ciment), représentent à elles seules 60% des émissions du secteur[1].

La transition vers une industrie la plus proche possible du zéro-carbone à l’horizon 2050 nécessite une transformation en profondeur de l’industrie. La transition devra s’opérer tout en préservant les emplois et l’indépendance industrielle française, grâce à un fort engagement et une responsabilisation de l’appareil industriel. Trois types de leviers doivent être envisagés pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’industrie :

  • Les leviers de progrès continu comme l’efficacité énergétique, les ressources décarbonées dans les procédés thermiques, etc. permettraient d’assurer 40% du chemin total de décarbonation du secteur de l’industrie.
  • Les leviers de rupture technologique – comme le recours à l’hydrogène produit par électrolyse dans certains procédés de transformation (principalement pour la réduction directe du fer et la production d’ammoniac), le recours au captage, stockage ou réutilisation des gaz à effet de serre émis par les procédés industriels – permettraient d’assurer 40% du chemin total de décarbonation du secteur de l’industrie.
  • Les leviers de sobriété s’appuyant sur l’écoconception, le recyclage, la réutilisation et la récupération d’énergie pour diminuer davantage la consommation d’énergie et de matière, permettraient d’assurer 20% du chemin total de décarbonation du secteur de l’industrie.

 

Il est à noter que les technologies de rupture restent un pari technique et économique. Ainsi, les risques d’échec étant bien plus forts pour les leviers technologiques de rupture que pour les leviers de progrès continu, il sera nécessaire de recourir à une sobriété plus intense si leur déploiement échoue dans les années à venir.

Outre le fait que le maintien d’une base industrielle nationale solide est nécessaire à une transition bas-carbone équilibrée et acceptée, une relocalisation de productions en France pourrait permettre de mieux maîtriser l’empreinte carbone de la France.

[1] CITEPA, « Données d’émissions et rapports d’inventaire », 2021. [En ligne]. Disponible sur: https://www.citepa.org/fr/telechargements/

NB : le secteur « cokéfaction et raffinage” est inclus dans le périmètre Industrie du PTEF alors qu’il est dans le périmètre “Production d’énergie” de la SNBC. Les émissions du secteur Industrie correspondent ainsi à 17% des émissions nationales hors “cokéfaction et raffinage”

Les positions des candidats quant à la décarbonation du secteur

De manière indirecte, l’ensemble des candidats aborde d’une manière ou d’une autre les questions de résilience / ré-industrialisation et corrélativement de relocalisation industrielle sans toujours cependant expliciter leurs priorités sectorielles ni décrire comment ils souhaitent procéder. Or la réindustrialisation ne contribuerait à réduire les émissions de l’industrie que si les secteurs les plus émetteurs sont transformés et électrifiés afin qu’ils profitent de l’avantage apporté par le mix électrique français faiblement carboné. Sans transformation profonde, les relocalisations n’induiront pas les gains potentiels attendus.

Seulement la moitié des candidats affichent, mais sans beaucoup de détails, des ambitions directes pour la décarbonation de l’industrie. Les trois principaux leviers de décarbonation mentionnés ci-dessus sont ainsi couverts de manière très hétérogène et souvent partielle par les douze candidats.

Quelques candidats  mentionnent explicitement des mesures de progrès technique pour l’industrie lourde (ciment, métallurgie, chimie).

Pour la moitié des candidats, la décarbonation passe par un recours à l’innovation et aux ruptures technologiques et donc un soutien à la recherche sans nécessairement préciser quels sont les secteurs industriels existants visés. Ils mettent cependant l’accent sur la création d’industries nouvelles comme les batteries ou d’autres innovations permettant la transition. L’hydrogène est très souvent mentionné mais sans beaucoup de précisions sur les applications.

La moitié des candidats propose des mesures de sobriété via l’incitation à l’éco-conception, la réparation, le recyclage ou le ré-emploi, ainsi que des mesures de baisse de consommation des plastiques et de sobriété plus ou moins abouties. A noter également que les efforts de sobriété entraîneraient automatiquement une meilleure résilience de l’industrie française par la réduction de son exposition aux pays producteurs de matières premières (minerais, combustibles fossiles, engrais,…).

D’autres leviers sont actionnables. Le recours à une comptabilité carbone, première étape pour planifier une trajectoire de baisse des  émissions, n’est proposé que par deux candidats.

Par ailleurs, un des moteurs de l’évolution de l’industrie pour la majorité des candidats est la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Cette taxe serait bénéfique à la transformation profonde de l’industrie française. Elle permettrait en effet de créer des conditions économiques favorables en évitant la compétition déloyale par des produits venant de zones ayant des niveaux d’exigence beaucoup plus faibles en matière de décarbonation. Elle est cependant rarement accompagnée de propositions concernant un prix carbone incitatif à la transformation de l’industrie, en France ou au niveau européen.

Les leviers absents des programmes

Des mesures non évoquées permettraient d’aller plus loin dans la décarbonation de l’industrie lourde.

En ce qui concerne la filière de la sidérurgie et en particulier de la production d’acier, aucun candidat ne présente de mesure précise pour favoriser la réincorporation des ferrailles, développer la filière électrique pour améliorer leur taux de recyclage et ainsi éviter leur export, ou encore pour faciliter la substitution du  coke et du charbon par des gaz sidérurgiques et potentiellement de l’hydrogène. Parmi les technologies de rupture on peut également citer la réduction directe du fer avec de l’hydrogène. Cette technologie repose sur l’utilisation d’hydrogène plutôt que de ressources fossiles pour réduire le minerai de fer, ce qui permet d’éviter les émissions générées lors de la réaction.

En ce qui concerne les filières ciments et chimie, aucune mesure n’est présentée pour déployer les ciments bas carbone à bas taux de clinker et/ou baisser les dosages dans les bétons (une des leviers les plus significatif pour la filière), améliorer l’efficacité énergétique des installations, ou encore maximiser l’usage de combustibles alternatifs, en particulier la biomasse et les résidus solides, et une meilleure récupération des chaleurs fatales. Une des innovations de rupture qui pourrait faire évoluer la production d’engrais azotés est la substitution du gaz naturel par de l’hydrogène décarboné.

L’hydrogène vert pourrait également permettre  des ruptures technologiques pour le  transport lourds et le stockage d’énergie. Aucun candidat n’aborde également explicitement les technologies de capture et de stockage du Carbone (CSC) notamment pour les filières de production de ciment, d’acier et de production d’ammoniac.

Enfin, la prise en compte de la baisse d’activité dans certains secteurs particulièrement émetteurs comme les travaux publics liées aux grandes infrastructures routières est  rare parmi les candidats. Or la transformation des secteurs avals à l’industrie lourde pourrait permettre une réduction  des besoins pour les filières acier, béton et chimie. A titre d’exemple, la réduction des volumes de logements neufs construits annuellement, ou l’écoconstruction  engendreraient une réduction des usages de béton armé et de l’acier, tandis qu’une évolution profonde des pratiques agricoles permettrait la maîtrise voire la réduction des intrants azotés.

Retrouvez l’analyse et les propositions faites dans le cadre du Plan de Transformation de l’Économie Française du Shift Project pour ce secteur sur leur site.