Philippe POUTOU
Synthèse de la couverture de la SNBC par le programme
Le programme présidentiel de Philippe Poutou est très succinct mais adresse néanmoins en partie les questions de décarbonation. Il ne couvre toutefois que peu les grandes lignes de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
Le programme comporte plusieurs axes cohérents avec la SNBC en matière de décarbonation :
- Philippe Poutou souhaite planifier et centraliser la mise en place de la transition écologique.
- Les transports, que ce soit de personnes ou de biens, font l’objet d’une attention particulière avec le développement des transports en commun, la réduction de la part de l’aviation et le report modal du fret vers le ferroviaire et le fluvial.
- Le logement fait l’objet d’un objectif fort en termes d’isolation et réquisition des bâtiments vacants tout comme l’urbanisme pour lequel le zéro artificialisation nette est proposé.
- En ce qui concerne l’agriculture, la protection des sols est l’axe principal avec le basculement en 10 ans au 100% bio et le renoncement aux intrants chimiques.
Cependant, le programme comporte des mesures allant à l’encontre de la SNBC :
- Concernant l’énergie, c’est une sortie nucléaire et des énergies fossiles en 10 ans que prévoit le candidat, délai trop court en considérant les limites données par RTE.
- Le candidat ne traite pas des secteurs des déchets.
- Le programme présente peu de mesures pour accompagner les mutations en termes d’emploi.
- Philippe Poutou ne se prononce pas en faveur de mécanismes permettant de réduire l’empreinte carbone (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou prix mondial du carbone).
Le programme du candidat met globalement en avant une sobriété forte, en revendiquant explicitement une réduction des productions et de la consommation d’énergie en supprimant certains secteurs, et en interdisant la publicité.
En synthèse, ce programme affiche des objectifs forts en termes de délai ou de niveau, mais les actions présentées ne permettent pas d’imaginer que de tels changements interviennent si rapidement.
Focus par secteurs et mesures phares
Orientations transversales
Gouvernance et mise en œuvre
Gouvernance et mise en œuvre
Rappel des orientations de la SNBC
- Assurer la cohérence de l’ensemble des politiques publiques nationales avec la stratégie nationale bas-carbone
- Développer des modalités de gouvernance facilitant la mise en œuvre territoriale de l’objectif de neutralité carbone
- Développer une offre de données permettant la comparaison des trajectoires de transition territoriales avec la trajectoire nationale
Philippe Poutou souhaite mettre en place une planification généralisée prenant notamment en compte les enjeux écologiques. Cette planification s’applique à tous les secteurs qu’ils aient fait l’objet d’une nationalisation ou qu’ils restent de l’ordre du privé. Ce mode de gouvernance permet ainsi d’intégrer les enjeux climatiques à l’ensemble des décisions.
L’implication des collectivités territoriales telle que plébiscité par la SNBC est peu claire mais le candidat souligne toutefois que cette planification se fera aux niveaux pertinents.
Il n’est pas fait de mention explicite de l’évaluation climatique des politiques publiques.
Les enjeux de gouvernance soulevés par la SNBC sont donc couverts de manière limitée par le candidat.
Empreinte-Carbone
Empreinte-Carbone
Pour mémoire, en 2018 l’empreinte carbone est 1,8 fois plus importante que les émissions territoriales avec une tendance à l’augmentation des émissions importées, au contraire des émissions territoriales qui diminuent.
Rappel des orientations de la SNBC
- Mieux maîtriser le contenu carbone des produits importés
- Encourager tous les acteurs économiques à une meilleure maîtrise de leur empreinte carbone
Concernant la prise en compte de la dimension climatique par les acteurs internationaux, Philippe Poutou mentionne “la fin des traités qui organisent le pillage des richesses” et ne fait donc pas de mention explicite des enjeux climatiques. Il souhaite toutefois contraindre les multinationales à stopper l’extraction des ressources fossiles.
Il ne propose pas d’initiative qui permettrait d’aller dans le sens d’une tarification mondiale du carbone, et qui s’appliquerait donc plus généralement à tous les acteurs, partenaires de la France ou non.
Philippe Poutou souhaite favoriser la relocalisation de productions actuellement réalisées à l’étranger. Ces mesures peuvent avoir un impact positif sur l’empreinte carbone de part le mix énergétique français moins carboné que celui de nos partenaires commerciaux. Il fait cependant l’impasse sur un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, disposition qui pourrait pourtant favoriser les productions locales.
Le candidat propose donc une couverture limitée des enjeux soulevés par la SNBC en matière d’empreinte carbone.
Politique Économique
Politique Économique
L’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) évalue à 45,7 Mds€ les dépenses d’investissements publics et privés en faveur du climat en France en 2018 et estime que 32 à 41 Mds€ supplémentaires par an seraient nécessaires pour atteindre le budget carbone pour la période 2024-2028.
Rappel des orientations de la SNBC
- Adresser les bons signaux aux investisseurs, notamment en termes de prix du carbone, et leur donner la visibilité nécessaire sur les politiques climatiques
- Assurer une transition juste pour tous
- Soutenir les actions européennes et internationales en matière de finance et de prix du carbone cohérents avec l’accord de Paris
- Favoriser les investissements dans des projets favorables à la transition bas-carbone, en développant les outils financiers permettant de limiter la prise de risque des investisseurs et en définissant des critères robustes pour déterminer quels sont les projets favorables à la transition bas-carbone.
- Développer l’analyse des impacts climatiques des actions financées par les fonds publics et des politiques publiques, afin d’en faire un critère de décision. S’assurer que les actions contraires à l’atteinte de nos objectifs climatiques ne bénéficient pas de financement public.
Philippe Poutou préconise la mise en place d’une économie fondée sur une planification centralisée et démocratique et sur la réduction de l’influence des mécanismes du marché.
Atteindre la fin de la “course à l’abîme écologique” est vu comme un objectif de l’expropriation des grandes entreprises et des banques. La reconversion industrielle au service de la transition écologique est vue comme une conséquence possible du “démantèlement du complexe militaro-industriel”.
La décarbonation ne fait néanmoins l’objet d’aucune proposition spécifique de politique économique, que ce soit en termes de prix du carbone, de soutien aux actions internationales, des outils d’orientation des investissements – en dehors de la planification – ou d’analyse d’impact des politiques publiques.
L’aspect solidaire de la transition est abordé, à travers la promesse d’une gratuité qui doit être la norme pour les besoins essentiels : logement, transports, chauffage notamment. La gratuité du chauffage est une mesure pouvant induire un effet rebond significatif.
De manière générale, l’objectif d’une planification pour s’attaquer aux problèmes écologiques va dans le bon sens. Néanmoins la mesure manque de précision pour être associée à une orientation particulière de la SNBC, notamment sur les entreprises et les secteurs ciblés par les expropriations (objectifs, leviers, indicateurs, secteurs à transformer…). La couverture des orientations proposées par la SNBC en matière de politique économique est donc limitée.
Recherche et Innovation
Recherche et Innovation
Rappel des orientations de la SNBC
- Développer les innovations bas-carbone et faciliter leur diffusion rapide, en s’appuyant sur la recherche fondamentale et appliquée
Philippe Poutou ne traite pas cet aspect de la SNBC.
Urbanisme et Aménagement
Urbanisme et Aménagement
Rappel des orientations de la SNBC
- Contenir l’artificialisation des sols et réduire les émissions de carbone induites par l’urbanisation
Philippe Poutou propose de limiter à « 10% le territoire artificialisé » c’est-à-dire au niveau actuel. Cela revient donc à une artificialisation nette 0 dès maintenant. La mesure de réquisition des logements vacants permet ainsi de limiter les besoins en constructions neuves et en artificialisation des sols.
Toutefois, le candidat prévoit de relocaliser les productions. Ces investissements pourront aussi bien contribuer à réduire les besoins de déplacement quotidiens, en rapprochant habitat et activité économique, qu’engendrer de l’artificialisation des sols. L’articulation de cette mesure avec la stratégie de la fin progressive de l’artificialisation sera donc primordiale, afin de limiter les effets contre-productifs.
Le programme répond à l’objectif de la SNBC pour l’artificialisation mais ne présente pas de mesures pour limiter les émissions induites par l’urbanisation. En l’état, la couverture de ces enjeux par le candidat est donc limitée.
Education et sensibilisation
Education et sensibilisation
Rappel des orientations de la SNBC
- Enrichir et partager une culture du « bas-carbone »
- Accompagner les citoyens dans leur propre transition bas-carbone
- S’assurer de l’acceptabilité sociale des mesures de politique publique découlant de la SNBC
Le programme de Philippe Poutou contient peu de mesures concernant l’éducation des citoyens et leur accompagnement dans la transition bas-carbone. Une mesure très peu précise qui évoque la suppression de la publicité pourrait être cohérente avec les objectifs de la SNBC en fonction de son application. Le candidat propose également de développer une culture qui mette au centre, entre autres, l’environnement, mais ne précise pas ses ambitions ou les outils pour mettre en œuvre cette proposition.
Emploi et Formation Professionnelle
Emploi et Formation Professionnelle
Rappel des orientations de la SNBC
- Encourager une meilleure intégration des enjeux de la transition bas-carbone par les branches, les entreprises et les territoires pour favoriser les transitions et reconversions professionnelles et le développement des emplois de demain
- Adapter l’appareil de formation initiale et continue pour accompagner la transformation des activités et des territoires
Le programme de Philippe Poutou ne couvre pas la question de l’accompagnement des emplois dans la transition bas carbone.
En termes de mesures pour accompagner les mutations d’emplois, Philippe Poutou mentionne uniquement les aides pour l’installation de nouveaux agriculteurs.
Le candidat ne propose pas de mesure de formation pour faciliter l’adaptation des compétences aux besoins de la transition.
Orientations sectorielles
Transports
Transports
Le secteur des transports est le premier émetteur de GES en France (environ un tiers des émissions). Ce secteur présente une grande dépendance au pétrole (95% de sa consommation).
Pour décarboner le secteur, qui englobe à la fois le transport de voyageurs et de marchandises, les mesures liées à la technologie (électrification ou passage à des carburants bas carbone) ne suffiront pas. Des mesures d’efficacité énergétique des véhicules et de sobriété (limitation de l’augmentation de la demande, utilisation des transports en commun, du covoiturage, du vélo…) devront être combinées pour atteindre cet objectif.
Rappel des orientations de la SNBC
- Donner au secteur des signaux prix incitatifs
- Fixer des objectifs clairs et cohérents avec les objectifs visés pour la transition énergétique des parcs
- Accompagner l’évolution des flottes pour tous les modes de transport
- Soutenir les collectivités locales et les entreprises dans la mise en place d’initiatives innovantes
- Encourager au report modal en soutenant les mobilités actives et les transports massifiés et collectifs (fret et voyageurs) et en développant l’intermodalité
- Maîtriser la hausse de la demande de transport
Le programme de Philippe Poutou comporte plusieurs mesures visant à favoriser l’usage des transports en commun, avec le développement des réseaux et de l’offre, une augmentation du versement mobilité pour les salariés, et à terme une gratuité totale des transports collectifs. Le transport de marchandises est aussi évoqué, avec à la fois une volonté de réduction des trajets (grâce à la réorganisation et à la relocalisation des productions) et un objectif de report modal du fret routier vers le fluvial et le ferroviaire. Il est également prévu une réduction “drastique” du transport aérien avec une interdiction des vols courts.
Ces mesures vont toutes dans le sens de la SNBC, mais les orientations ne sont couvertes que de manière partielle, puisque plusieurs leviers ne sont pas évoqués, comme l’électrification et l’efficacité énergétique des véhicules, ou le développement du réseau ferroviaire ainsi que des mobilités douces.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Philippe Poutou propose de développer des transports “100 % publics et gratuits”, en étendant les réseaux existants, à la fois en agglomération et en zones rurales, et en instaurant partout la gratuité déjà en place dans 35 villes françaises. Ce genre de mesures visant à promouvoir l’usage des transports massifiés peut diminuer les émissions dues à la mobilité quotidienne (qui représentent près de 10% de l’empreinte carbone totale des français), mais l’impact réel dépendra beaucoup des modalités exactes de l’application de cette mesure.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Ces mesures visant à sortir du “tout-voiture” peuvent avoir un impact non seulement sur l’émission de GES, mais aussi sur la pollution de l’air. Il propose en parallèle un développement de l’offre de transports alternatifs, améliorant aussi l’attractivité, ce qui favorise le report modal.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
La gratuité des transports collectifs ne garantit pas un report modal important depuis la voiture : dans les villes où la gratuité a été mise en place, on a observé un report non négligeable depuis les modes actifs (marche et vélo) et l’apparition de nouvelles mobilités.
Bâtiments
Bâtiments
Le secteur résidentiel/tertiaire a émis à hauteur de 19% des émissions nationales, et 28% en considérant les émissions liées à la production d’énergie consommée dans les bâtiments.
Rappel des orientations de la SNBC
- Guider l’évolution du mix énergétique sur la phase d’usage des bâtiments existants et neufs vers une consommation énergétique totalement décarbonée
- Inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire afin d’atteindre un niveau BBC équivalent en moyenne sur l’ensemble du parc
- Accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales
- Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages
Le programme de Philippe Poutou concernant le secteur du bâtiment s’articule autour de l’isolation des logements, et de l’utilisation des logements vacants.
Concernant l’isolation des bâtiments, la mesure suit les orientations de la SNBC mais étant donné que ni les montants des aides financières ni l’échelle temporelle ne sont spécifiés, il est difficile d’évaluer le respect des objectifs de diminution de GES à propos de la rénovation. En outre, cette mesure semble s’étendre uniquement au secteur résidentiel et pas au secteur tertiaire, dont les émissions correspondent à 38% des émissions du secteur du bâtiment.
Cependant, la question du mix énergétique des usages des bâtiments tel que l’abandon des chaudières au charbon/fioul et gaz n’est pas explicitement mentionnée dans le programme du candidat même s’il souhaite la décarbonation du mix énergétique national. Par ailleurs, l’utilisation de matériaux moins carbonés n’est pas mentionnée dans le programme du candidat.
Ainsi, la décarbonation du secteur du bâtiment à travers le programme du candidat couvre les orientations de la SNBC de manière limitée pour ce secteur.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Philippe Poutou propose d’ “isoler tous les logements”. Cette mesure permettrait de réduire drastiquement les besoins énergétiques des logements et donc les émissions de GES jusqu’à 78% de ceux rénovés.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
-18 MtCO2/an en 2050 en prenant l’hypothèse que 60% des logements sont isolés d’ici à 2050 (préconisation SNBC).
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
L’application de la mesure s’étend sur tout le parc résidentiel français.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Le fait que seul l’isolation des bâtiments soit abordée dans la mesure ne diminue que de 78% des émissions de GES des bâtiments effectivement rénovés, tandis qu’une rénovation totale permettrait de décarboner complètement des bâtiments rénovés.
Par ailleurs, le fait que ni le montant des aides ni la formation des professionnels du secteur ne soient spécifiés rend la quantification des logements effectivement isolés difficile à évaluer.
Agriculture
Agriculture
L’agriculture est le 2ème poste d’émission de GES en France (19% avec 86,0 Mt CO2eq ). Si on y ajoute les émissions liées à la transformation agro-alimentaire, l’alimentation représente 24% du total de nos émissions. Celles-ci sont principalement liées à l’élevage bovin, à l’utilisation de fertilisants azotés dans les cultures ainsi qu’à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les tracteurs et chauffer les serres.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation, le contenu de notre assiette doit être modifié (diminution des protéines animales, augmentation des protéines végétales) et le développement de l’agroécologie privilégié (réduction des intrants, optimisation du travail du sol, augmentation du carbone stocké dans les sols).Rappel des orientations de la SNBC
- Réduire les émissions directes et indirectes de N2O et CH4, en s’appuyant sur l’agro-écologie et l’agriculture de précision
- Réduire les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et développer l’usage des énergies renouvelables
- Développer la production d’énergie décarbonée et la bioéconomie pour contribuer à la réduction des émissions de CO2 françaises, et renforcer la valeur ajoutée du secteur agricole
- Stopper le déstockage actuel de carbone des sols agricoles et inverser la tendance, en lien avec l’initiative « 4p1000, les sols pour la sécurité alimentaire et le climat »
- Influencer la demande et la consommation dans les filières agroalimentaires en lien avec le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN)
- Améliorer les méthodologies d’inventaires et de suivi
Philippe Poutou couvre plusieurs dimensions importantes de l’impact carbone de l’agriculture par des mesures favorables à la réduction de celui-ci : il souhaite aller vers une agriculture biologique, sans intrants chimiques, qui préserve les sols.
Ces mesures sont favorables à la captation de carbone dans les sols. Le candidat aborde également l’enjeu important du renouvellement générationnel en agriculture nécessaire à la réalisation des transitions dans le secteur, puisqu’il propose un soutien à l’installation sous forme de coopérative de jeunes agriculteurs.
La transition des régimes alimentaires pour diminuer la part de protéines animales n’est pas proposée par le candidat. Le sujet de la consommation et de la production d’énergie au sein du secteur agricole n’est pas traité dans le programme du candidat. L’ensemble des mesures couvrent donc partiellement la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
L’interdiction de tous les intrants chimiques et vers le “tout biologique” en 10 ans, deux mesures qui vont de pair, sont les plus emblématiques du programme agricole de Philippe Poutou ; la première est celle qui pourrait avoir le plus d’impact sur la baisse des émissions carbone du secteur.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
– 47Mt.CO2/An en 2050 pour l’interdiction des engrais.
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
C’est une mesure phare de la SNBC, au moins pour ce qui est de la réduction de l’utilisation des engrais de synthèse; le candidat, lui, souhaite interdire tous les “intrants chimiques”, ce qui est ambitieux et lui permet d’annoncer 100% de production biologique sous 10 ans.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Toutefois, aucune mesure d’accompagnement, aucune allusion aux alternatives et à la gestion des périodes de transition, ou aux conséquences sur l’utilisation des sols n’apparaissent dans ce programme.
Forêt-Bois
Forêt-Bois
La forêt capte du carbone qui est ensuite stocké dans les sols et dans le bois. Celui-ci n’est libéré dans l’atmosphère que lorsque le bois est brûlé. La politique forestière peut contribuer à la décarbonation en développant les surfaces et la santé des forêts afin qu’elles captent plus de carbone, en développant l’utilisation du matériau bois principalement dans des usages à longue durée de vie comme la construction; et en réservant la valorisation énergétique aux coproduits, aux haies agricoles et aux produits en fin de vie.
Mais la forêt, qui constitue un refuge pour la biodiversité et un puits de carbone considérable, est menacée par le changement climatique. La gestion de nos forêts doit donc trouver le juste équilibre entre une exploitation optimale du bois et une politique de préservation de cet écosystème.Rappel des orientations de la SNBC
- En amont, assurer dans le temps la conservation et le renforcement des puits et des stocks de carbone du secteur forêt-bois, ainsi que leur résilience aux stress climatiques
- Maximiser les effets de substitution et le stockage de carbone dans les produits bois en jouant sur l’offre et la demande
- Evaluer la mise en œuvre des politiques induites et les ajuster régulièrement en conséquence, pour garantir l’atteinte des résultats et des co-bénéfices attendus
Dans son programme Philippe Poutou n’évoque pas la filière forêt-bois, à l’exception d’une mesure dans laquelle il propose de nationaliser les forêts privées de plus de 20 hectares – sans que l’on sache précisément ce que cela implique en termes de gestion. De plus, les forêts privées représentent 75 % des forêts françaises, mais pour les forêts de plus de 25 Ha il est déjà obligatoire de mettre en place un plan simple de gestion. Le véritable enjeu en termes de renforcement de l’exploitation des forêts privées réside plutôt dans les petites parcelles (moins de 25 Ha), qui représentent près d’un tiers de la surface forestière française mais où le taux d’exploitation est sensiblement plus faible qu’ailleurs.
Le candidat ne propose pas de développer l’usage du bois dans le bâtiment, ou d’encadrer son utilisation dans le secteur de l’énergie. Ainsi, le programme de Philippe Poutou concernant la forêt est peu précis, et n’est pas cohérent avec les orientations de la SNBC.
Industrie
Industrie
Le secteur de l’industrie représente 17% des émissions nationales en 2017 (81 Mt CO2 eq), soit bien plus que son poids économique (un peu plus de 10% de la Valeur Ajoutée et des emplois en France).
C’est sur l’industrie lourde que pèse la part principale des efforts à mener. En effet, les trois secteurs que sont la chimie, la métallurgie et l’industrie des matériaux de construction représentent à eux seuls 60% des émissions du secteur.
La décarbonation du secteur industriel passe par la mise en œuvre de plusieurs leviers : la sobriété (réduction des emballages plastiques, optimisation des quantités de béton utilisées dans la construction neuve, etc.), le progrès continu (efficacité énergétique, utilisation de sources d’énergie alternatives, augmentation du recyclage, éco-conception, etc.) et la rupture technologique (recours à l’hydrogène produit par électrolyse pour produire des engrais azotés, mise en place du captage et stockage de CO2, etc.).
Rappel des orientations de la SNBC
- Accompagner les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone et le développement de nouvelles filières
- Engager dès aujourd’hui le développement et l’adoption de technologies de rupture pour réduire et si possible supprimer les émissions résiduelles
- Donner un cadre incitant à la maîtrise de la demande en énergie et en matières, en privilégiant les énergies décarbonées et l’économie circulaire
Philippe Poutou ne propose pas de mesures spécifiques de décarbonation du secteur industriel mais un ensemble de mesures visant à réduire drastiquement l’outil de défense français (armée, force de dissuasion) et plus particulièrement l’industrie de l‘armement (“complexe militaro-industriel”) pour réorienter les budgets correspondants vers le financement de la transition écologique (transports, énergie).
Le candidat propose aussi une mesure de relocalisation pour réduire les flux de marchandises, mesure favorable mais sans précision aucune. Les autres mesures proposées sont de l’ordre de la politique économique et du contrôle des entreprises sans relation avec la décarbonation.
Le candidat fait l’impasse sur la décarbonation des filières de l’industrie lourde que sont la chimie, la sidérurgie et le ciment-béton qui sont les principaux émetteurs de GES de ce secteur. Les propositions ne couvrent donc que de façon limitée les objectifs de la SNBC.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Philippe Poutou propose de démanteler le complexe militaro-industriel et de réorienter les budgets vers la transition écologique.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
– 13 Mt CO2/an en 2040 (2% des GES français)
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure radicale de suppression d’une industrie créerait de facto une économie de GES et potentiellement un transfert de budgets étatiques vers la transition écologique.
Production d’énergie
Production d’énergie
Le secteur de la production d’énergie est responsable d’environ 10% des émissions françaises de GES. En France, ces émissions sont essentiellement dues à la production d’électricité et de chaleur (plus de 50%), au raffinage du pétrole et au traitement des combustibles solides (charbon).
Si la production d’électricité française est peu carbonée par rapport à ses voisins européens en raison de son origine majoritairement nucléaire, sa décarbonation complète demeure un enjeu important, notamment dans un contexte de baisse de la part du nucléaire et de forte augmentation de la production issue d’énergies renouvelables.
Rappel des orientations de la SNBC
- Décarboner et diversifier le mix énergétique notamment via le développement des énergies renouvelables (chaleur décarbonée, biomasse et électricité décarbonée)
- Maîtriser la demande via l’efficacité énergétique et la sobriété et lisser la courbe de demande électrique en atténuant les pointes de consommation saisonnières et journalières
- Préciser les options pour mieux éclairer les choix structurants de long terme, notamment le devenir des réseaux de gaz et de chaleur
Concernant la production d’énergie, Philippe Poutou propose une approche fondée sur la sobriété et l’analyse des besoins, le développement d’un mix énergétique 100% renouvelable, une sortie en 10 ans du nucléaire avec fermeture immédiate des réacteurs de plus de 40 ans, et une interdiction des énergies fossiles.
L’objectif de sortie du nucléaire en 10 ans apparaît irréaliste. La dernière PPE votée en 2020 a notamment repoussée l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire de 2025 à 2035 à la lumière des travaux récents de RTE.
Les mesures proposées par Philippe Poutou concernant le secteur de l’énergie sont en phase avec les objectifs SNBC d’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050. Néanmoins, il existe un doute substantiel sur leur faisabilité dans le calendrier annoncé, ce qui limite la couverture de ces enjeux par le candidat.
Présentation d’une mesure proposée pour ce secteur :
Philippe Poutou propose le développement d’un mix énergétique 100% renouvelable en 2050.
Les impacts en réduction de CO2 en 2030 / 2050 :
Cette mesure peut avoir un impact très important à terme : selon RTE le potentiel de réduction est d’environ 370 Mt (CO2e), soit 80% des émissions nationales en 2018 (puits de carbone non comptabilisé).
Les avantages de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure permettrait d’obtenir un fort impact en termes de réduction des émissions.
Les inconvénients de la mesure en terme de décarbonation
Cette mesure est très peu détaillée, tant sur l’horizon temporel que sur les modalités de la transition. La sortie du fossile ne peut se décréter, elle se construit en trouvant des alternatives pour chacun des usages. De plus, même dans un scénario envisageant une trajectoire ambitieuse de sobriété, une sortie très rapide du nucléaire complexifie très fortement la tâche d’un déploiement rapide des ENR.
Déchets
Déchets
Le secteur des déchets représente environ 3% des émissions GES nationales dont une très grande partie est liée à l’émission de méthane par l’enfouissement des déchets et les installations de traitement d’eau usées. Au-delà des GES, la limitation de la production de déchets a des effets positifs sur d’autres secteurs (bâtiment, industrie etc) et initie un mouvement vers une société bas carbone sobre et circulaire.
Rappel des orientations de la SNBC
- Inciter l’ensemble des acteurs à une réduction de leurs déchets
- Inciter les producteurs à prévenir la production de déchets dès la phase de conception des produits
- Améliorer la collecte et la gestion des déchets en développant la valorisation et en améliorant l’efficacité des filières de traitement
Le programme de Philippe Poutou ne prévoit aucune mesure concernant les déchets.